Le haut de gamme de la CIJ
Voici l’Alfa Romeo P2, jouet mythique s’il en est, pièce maîtresse, grandissime voiture de course qui porta haut les couleurs de la Compagnie industrielle du jouet. Mais avant de d’adopter le sigle CIJ, l’Alfa Romeo P2 est sortie sous la marque LJM, Le Jouet Migault, fondée par Fernand Migault et Marcel Gourdet en 1927. Le réalisme et l’exactitude dans les reproductions des vrais modèles furent les conditions essentielles à la conclusion du partenariat commercial avec André Citroën (Voir Les jouets Citroën). Un défi que Marcel Gourdet releva de bon gré et jusqu’à l’excellence en ce qui concerne l’Alfa Romeo P2.
Les lauriers de l’Alfa Romeo
Dans les années 1920, l’Alfa Romeo P2 était une étoile filante des circuits. Elle s’illustra lors de grands prix aussi célèbres que Monza ou Spa. La grande notoriété qu’elle y acquit motiva le choix du duo Fernand Migault et Marcel Goudet de reproduire cette Alfa P2. Le superbe jouet sortit des ateliers de Briare (Loiret) en 1927 et ne déçut pas.
Réalisme et perfection
L’assemblage du modèle, dans tous ses détails, nécessita tout le savoir-faire des ouvriers dans de nombreux ateliers. Les roues à rayons étaient chaussées de pneus lisses pour la première série (comme celle présentée ici) et de pneus sculptés pour la seconde série. Le pare-brise, d’abord en laiton, était en tôle d’acier sur la série suivante. Les sièges initialement peints en marron, furent dessinés façon cuir sur les modèles ultérieurs. Les amortisseurs compas gravés du nom Exelsior étaient identiques à ceux montés sur la vraie voiture. Les roues directionnelles étaient commandées au moyen d’un ressort hélicoïdal et d’un pignon à l’intérieur du boîtier de direction. Par la suite, pour un guidage plus précis, une crémaillère a été montée à la place du ressort. Une clé, insérée dans un trou à l’arrière droit, permettait de remonter le grand ressort en acier et d’animer ainsi le jouet en tous sens. En début de fabrication, les modèles ne portaient aucune marque. A partir de 1930, figurera sous la caisse un triangle peint en blanc avec l’inscription CIJ-Unis au centre.
Plusieurs versions de la P2 N° 2
Entre 1931 et 1939, la CIJ proposa deux versions de l’Alfa Luxe ou Standard, auxquelles s’ajoutera, en 1935, une variante simplifiée sans suspension, et plus accessible que le modèle LJM original. Dotée d’un large nuancier de couleurs, la voiture arborait fièrement sur ses flancs le Trèfle, porte-bonheur adopté par Alfa Romeo depuis 1923 (Lire ci-dessous).
Le N° 2 estampé sur la carrosserie est un hommage au glorieux pilote Antonio Ascari dont c’était le numéro de course. L’Alfa Romeo était vendue dans un boîte en carton fort illustrée d’un dessin de la P2, d’une description du Grand prix remporté et d’une publicité Michelin. Par la suite, des personnages (un homme et une femme), ou éventuellement un pilote en salopette blanche, lunettes et couvre-chef, ont été ajoutés dans le cockpit.
Un garage à la hauteur
A l’instar de CR, la CIJ a conçu un abri digne de son modèle. Le côté ludique du garage résidait dans le fait qu’il était commercialisé sous forme de jeu de construction dénommé “Charpento”. Le coffret contenait toutes les pièces nécessaires au montage d’un garage métallique léger et aérien. Quel bonheur d’abriter son auto dans ce hangar au fronton décoré du bouclier d’Alfa Romeo et de la voir sortir pour voler vers de nouvelles victoires !
Histoire du Quadrifoglio
Le premier pilote à adopter le Trèfle à quatre feuille fut Ugo Sivocci, sur son Alfa Romeo RL, au départ de la Targa Florio, la course mythique en Sicile, en 1923. Le “porte-bonheur” était alors dessiné au centre d’une figure composée de deux losanges blancs accolés formant donc quatre côtés. Hélas, le champion Sivocci devait perdre la vie quelques mois plus tard lors des essais du Grand Prix d’Italie à Monza. Ce jour-là la l’Alfa P1 accidentée fut rapidement repeinte sans le trèfle, ce qui suscita un émoi considérable chez tous les amateurs qui y voyèrent une étrange coïncidence. Dès lors, la Scuderia Alfa Romeo, composée de quatre pilotes d’exception, Enzo Ferrari, également directeur sportif de l’écurie, Giuseppe Campari, Antonio Ascari et Ugo Sivocci, décida alors de remplacer la figure rhomboïdale entourant le Trèfle par un triangle. L’emblème perdait ainsi l’un de ses côtés en hommage à Ugo Sivocci. (Giuseppe Scarani).
Estimation : L’Alfa Romeo P2 CIJ est très recherchée des collectionneurs d’aujourd’hui et peu d’exemplaires aussi bien conservé que celui qui est présenté ici sont parvenus jusqu’à nous. Selon les versions et l’état, elle s’échange entre 5000 et 7000 €. Le garage est très rare et hors cote.
Martine Hermann et Giuseppe Scarani
(©Photos et collection G. Scarani)
A Lire
— Un article de Giuseppe Scarani dans le mensuel italien de la voiture ancienne : Auto d’Epoqua N° 2, février 2022.
— Un dossier signé Mick Duprat dans le trimestriel Jouets anciens N° 5 , juin-juillet-août 2005.