Automotrice JEP

L’autorail du futur

Voici un jouet qui me tient à cœur, une automotrice de la marque JEP. Elle m’a été offerte par un de mes amis qui la possédait depuis son enfance. Ce jouet, qu’il affectionnait, a-t’il été à l’origine de son orientation professionnelle ? C’est vraisemblable. En effet, après des études d’ingénieur à Polytechnique, il était entré à la SNCF et quand je l’ai connu, il était directeur régional de cette entreprise. Ce jouet trônait dans une vitrine de son bureau directorial. Sa retraite arrivée, comme aucun de ses héritiers ne s’intéressait à ce jouet, voulant le préserver et connaissant mon goût pour les jouets anciens de collection, il m’en avait fait don comme un objet précieux. Ce jouet n’a donc eu, avant moi, qu’un seul propriétaire.

En intégrant la collection d’un passionné, ce train jouet évita la voie de garage.

Un TAR simplifié

Ce train-jouet a été fabriqué par les établissements JEP entre 1936 et 1941, époque où il a eu un très grand succès commercial, d’autant que les vrais autorails étaient très prisés sur le réseau ferroviaire de cette époque. D’après l’historien, Clive Lamming, ces autorails-jouets s’inspiraient des Trains Automoteurs Rapides (TAR) du réseau Nord. Ces autorails JEP sont, de très loin, les plus beaux jamais produits par les fabricants de trains-jouets français.  Laissant à ses concurrents le soin de faire des petits modèles simples, en plus de ces derniers JEP avait créé de grands modèles articulés à soufflets et sur bogies semblables aux véritables trains. Ses jouets à la fois très beaux, très performants, et robustes feront la renommée de JEP. Ces autorails seront déclinés en deux caisses et en trois caisses.

L’autorail à trois caisses, L. 46 cm.

Toujours bicolore

Notre exemplaire est en tôle épaisse emboutie, à trois caisses articulées, de couleur bleu et crème en peinture émaillée avec des roues de couleur rouge. Chaque caisse est montée sur deux essieux estampillés JEP. On remarque curieusement sur le toit deux kiosques de conduite qui n’existaient pas sur les vrais TAR, l’un à l’avant l’autre à l’arrière. La marque JEP apparaît sur les côtés avant et arrière, ainsi que l’indication « NORD », correspondant à l’une des cinq compagnies ferroviaires françaises de l’époque qui seront regroupées sous le sigle SNCF, le 1er janvier 1938.

La belle face avant de l’automotrice JEP.

Échelle 0, écartement 35 mm

Il est électrifié avec deux petites ampoules, l’une à l’avant l’autre à l’arrière, et, sur le toit de la voiture de tête, une petite manette de contact actionne la mise en route du moteur. Son échelle 0 correspond à un écartement de 35 mm. Peu connu avant 1914, cet écartement s’imposera dans les années 20 sous l’influence des trains d’origine anglaise. Il était vendu soit seul sous la référence 5780 3A, soit avec un rhéostat n° 546 (réf. 5280 3), soit en modèle 20 volts (réf. 5780 3).

Cet autorail est en bon état malgré son grand âge, avec quelques légères traces d’usure de sa peinture d’origine. Il porte à l’avant une plaque en alu emboutie de la mention : « Tous courants. Moteur S 52 », et, à l’arrière, une autre plaque en alu marquée « Contrôle ». A l’arrière, un attelage automatique permet le rajout de voitures supplémentaires.

Un moteur en état de marche.

Différentes variantes

En 1936, ce modèle embouti se vendait dans les magasins du Louvre au prix de 80 francs avec 3 voitures et 70 francs avec 2 voitures. Des versions lithographiées, moins onéreuses, plus légères et moins robustes, ont été produites à partir de 1936. Il s’agit d’autorails à deux caisses (réf. 4360/2) ou à trois caisses (réf. 4370/3) pour les modèles mécaniques qui prennent le nom de référence “JEP 11”, quand ils sont vendus en coffret. Beaucoup plus chers étaient les grands modèles articulés à soufflet et sur bogies de 69 cm et surtout de 101 cm de longueur, rêves inaccessibles pour beaucoup d’enfants des années 30, convoités des collectionneurs actuels.

Extrait du catalogue du magasin du Louvre de 1936.

JEP, géant français des jouets en métal

Pour mémoire la marque JEP, dont l’historique est détaillé dans le livre dont nous donnons la référence bibliographique à la fin de cet article, est née de la réunion de la société Jouet de Paris et de la Société Industrielle de Ferblanterie (SIF), regroupant à elles deux 18 sociétés indépendantes, entre 1896 et 1909, date du rachat de Jouet de Paris par la SIF. Jouet de Paris avait regroupé, en 1902, plusieurs petites entreprises de jouets bien connues des collectionneurs comme Dessein, Faivre, Bonnet, Tantet et Manon, etc. SIF s’était constituée, en 1899, en réunissant plusieurs ferblantiers. Inaugurée en 1908, l’usine de Montreuil-sous-Bois sera ravagée par un incendie le 28 avril 1909. Ce siniste qui précipita la faillite de l’entreprise, mena à son absorption par la SIF et sa renaissance sous le nom de Jouet de Paris (J.de P.).

Le Jouet de Paris, entrée de l’usine de Montreuil-sous-Bois en 1908. (Coll. et © CL).

J.de.P. essor et innovation

L’âge d’or de la firme se situe entre les deux guerres, JdeP devenant la plus importante manufacture de jouets français. C’est à cette époque que se situe l’essor des trains électriques avec l’adoption de l’écartement de 35 mm, l’utilisation du courant 20 volt en alternatif à la place des rhéostats dangereux du fait qu’ils utilisaient le courant de secteur, la mise au point de nouveaux moteurs performants S52 ou S57, et l’usage d’attelages automatiques. JEP fermera ses portes en 1968.

Facture de 1933 à la triple en-tête : Société industrielle de ferblanterie, “Le Jouet de Paris” et JEP (coll. et © CL)

Estimation : Compter 500 € environ pour cet autorail.

Claude Lamboley

Collectionneur de jouets anciens

Biblio

Clive Lamming, JEP, Le Jouet de Paris, 1902-1968, Adrien Maeght Éditeur, 1988.