Coudre comme maman

Pour habiller les poupées

Y’a papa qui pique… Et y’a maman qui coud !
J’espère que beaucoup, des jeunes et des moins jeunes, se souviennent encore, pour l’avoir entendue à la radio, de cette facétieuse chanson de Charles Trenet qui date des années 40. Certes, tous les enfants du passé n’avaient pas des parents culottiers comme dans cette chanson, mais toutes les petites filles, soit qu’elles voyaient leur mère recevoir chez elle une couturière pour la réalisation sur mesure de leurs atours dans les milieux bourgeois, soit qu’elles observaient leur mère confectionner ou recoudre des vêtements, se crevant les yeux, le soir sous la lampe dans les familles modestes, toutes ont eu le désir de l’imiter et de confectionner des habits pour leurs poupées.

La Petite couturière

Naturellement on trouvait dans les Grands magasins du début du siècle dernier tout le nécessaire pour contenter le rêve de ces petites filles. Ainsi ce coffret “La petite couturière”, vendu Aux Trois quartiers en 1906, avec une jolie machine à coudre, garniture os, lingerie de poupée, etc., aux prix de 10,75 à 14,50 francs. Ce coffret en côtoyait un autre, “Son trousseau”, avec une toilette complète pour mignonnette coutant entre 13,75 et 21 francs. Ou encore des boîtes de mercerie ou de tapisserie proposées à la Samaritaine

Un coffret complet

Voici, de ma collection, un joli coffret à tiroir pour couturière recouvert d’un papier marbré, légèrement gaufré, de couleur rouge et orné d’une vignette colorée.

Un beau coffret de couturière, 28 x 19 x 12 cm.

Il comporte deux étages avec un tiroir. Il est complet avec tout le nécessaire pour coudre, broder, faire de la tapisserie ou du crochet. Il contient des aiguilles, des épingles, de nombreuses bobines de fil, des cartons de boutons, d’agrafes ou de boutons pressions, comme on les vendait dans les merceries, des petits ciseaux, un dé à coudre de la taille d’un doigt d’enfant, des modèles de broderie au point de croix, des épingles à tête en nacre, de la laine, des perles, des paillettes iridescentes multicolores, un métier à broder en bois tourné, etc.

Un nécessaire de petite fille soigneuse.
Zoom sur quelques accessoires.

La couture, un apprentissage obligé

Les petites filles apprenaient la couture à l’école. Pour les aider dans leurs travaux d’aiguilles, certaines revues enfantines comme Ma poupée, le journal d’ouvrages des petites filles qui paraissait le 1er de chaque mois, fournissaient des patrons ou des décalques pour confectionner des vêtements de poupée. Ainsi, le numéro d’août 1912, proposait-il un patron pour une combinaison-jupon destinée à Mademoiselle Frisette.

Dentelle, rubans de satin et tulle pour le sous-vêtement raffiné de Frisette.

Ou encore ce modèle de broderie dans le supplément daté du 1er avril 1914 du journal Mademoiselle, présenté avec un petit déshabillé brodé de poupée.

Des ouvrages élaborés pour fillettes adroites et patientes.

Le canevas, un grand classique

On proposait aux fillettes des petits métiers à broder en bois tourné comme celui ci-dessous. Il porte encore un canevas en toile avec un modèle dessiné représentant deux petites filles dans leurs habits début de siècle cueillant des fleurs.

Métier à broder 17 x 16 x 3,5 cm.

L’indispensable machine à coudre

Bien entendu, les machines à coudre occupent une place de choix dans l’atelier des couturières en herbe. L’une de celles présentées ici porte la marque Singer, firme existante depuis 1851 et toujours active. Ce jouet en fonte date du début du siècle dernier, il est encore dans sa boîte, sur le couvercle de laquelle on signale que cette machine à coudre est destinée aux fillettes, qu’elle est “pratique et instructive, utile et amusante”, et on précise que “ce n’est pas un jouet mais une véritable machine à coudre vendue exclusivement par la Cie Singer”. Elle est mue par une volant manuel et permet de “coudre comme maman” ; elle est laquée noir avec des pièces en métal chromé et son support garni de feutrine ; elle est marquée d’un côté du nom de la marque, de l’autre du logo de la marque avec la mention “The Singer Manfg Co. Trade Mark – Fabriqué aux États-Unis d’Amérique. USA”. Elle pèse 1,100 kg. Elle est en parfait état et nous avons aussi son étui d’aiguilles.

Machine Singer pour les fillettes, 18 x 17 x 7 cm.

L’autre plus modeste, en tôle datant des années 50, porte la marque Piq-bien. Elle fonctionne avec un volant manuel en utilisant seulement un fil supérieur : il n’y a pas de canette, juste un crochet inférieur qui permet de remonter le fil en faisant une boucle. Le point cousu est donc un point de chaînette, qui se défait si on ne l’arrête pas à la main. C’est une fabrication française des établissements F. Dauzats. Elle est en état d’usage et présentée ici avec un vestige d’emballage.

Machine à coudre jouet, 20 x 10 x 20 cm.

Le fer à repasser pour les finitions

Pour parfaire le travail, les petites filles pouvaient naturellement repasser le trousseau de leur poupée. Quelle joie et quelle fierté, quand, naturellement avec l’aide de maman, la petite fille pouvait admirer le résultat de ses efforts ! De jolies robes, de jolis jupons ornés de dentelle, parfois, il est vrai, tirés de quelques vieux chiffons, qui permettaient d’habiller sa poupée préférée.

Petit fer électrique, L. 12 cm.
Préparer le trousseau des poupées.
Des malles en bois à renforcements cloutés, recouvertes de simili cuir, ferrures en laiton, intérieur tapissé pour ranger les vêtements, 42 x 25 x 25 cm.

Les mannequins de papier

Tous ces jouets avaient un coût. En 1906, il fallait compter 10,75 francs pour un coffret de couture et 27 francs pour une malle de poupée. Ces prix pouvaient paraître excessifs pour certaines bourses, mais les petites filles avaient toujours la ressource d’acheter des poupées de papier avec des vêtements à découper dont voici deux exemples publiés vers 1900 :

— Exemplaire édité comme publicité par le chocolat Kohler, fourni dans une jolie boîte marquée La petite modiste.

— Exemplaire provenant de Raphael Tuck & Sons, une maison d’édition londonienne créée en 1866, spécialisée dans les cartes de vœux et les cartes postales, absorbée en 1959. Le corps en papier de la poupée pouvait être glissé dans des vêtements de papier et coiffé de jolis chapeaux.

Différentes toilettes pour une poupée de papier, H. 15 cm environ.

Estimation : Un coffret de mercerie 1900 coûtera 300 à 400 €. Compter 150 € environ pour une machine à coudre Singer et 40 à 50 € pour un modèle Piq-bien. Une malle de poupée se trouve aux environs de 100 €.

Extrait du catalogue Aux Trois Quartiers de 1929.

Claude Lamboley

Collectionneur de jouets anciens