Comment un modèle unique fut sauvé
“La victoire de Ferrari, avec le pilote Charles Leclerc, au Grand Prix de Formule 1 de Monte Carlo le 25 mai 2024, est l’occasion de rendre hommage à la Scuderia. La première participation de Ferrari dans une course de F1 remonte à 1951 lors de l’engagement de José Froilan Gonzales au Grand prix d’Angleterre que le champion argentin remporta sur la Ferrari 375.
L’œil du modéliste de génie
Ce jour-là, dans les tribunes du circuit de Silverstone, se trouvait le célèbre modéliste anglais Henri Baigent (1910-1971) qui miniaturisa la voiture victorieuse au 1/10e, soit d’une longueur de 40 cm.
La carrosserie, faite à la main, est en aluminium et respecte scrupuleusement le modèle original : le volant en bois, le tableau de bord avec tachymètre, pour la température de l’eau, de l’huile et de l’essence, les jantes en acier avec 40 rayons chacune, les vrais pneus en caoutchouc vulcanisé, les pots d’échappement, le bouchon de réservoir, les rétroviseurs, le siège en cuir, numéro de course, les ouïes de capot, et l’étonnante calandre en laiton usinée à la main puis chromée. Tout est conforme aux Ferrari 375 F1. Ce modèle Ferrari est une pièce de collection unique réalisée par Henri Baigent qui fut l’un des meilleurs modélistes industriel.
L’œil du collectionneur averti
C’est un modèle qui m’est parvenu après bien des péripéties. Au stand d’un brocanteur de Bologne (Italie), j’ai remarqué que quelques collectionneurs discutaient avec animation autour de la carrosserie d’une petite voiture qui passait de mains en mains. J’ai tout de suite deviné qu’il s’agissait d’une fascinante petite “sculpture” en métal, sans châssis ni roues, qui avait quelques chose de spécial. Discrètement, j’attendais mon tour derrière le groupe. Lorsque le dernier des collectionneurs manifesta son désintérêt et reposa l’objet convoité, je me suis empressé de l’acheter. De retour chez moi, j’ai réalisé qu’il s’agissait d’une œuvre artisanale, entièrement fabriquée à la main, mais hélas incomplète.
J’ai sollicité des précisions auprès du brocanteur qui m’a dit avoir trouvé cette “coque” à l’intérieur d’un meuble ancien acheté à Rome. Je lui ai demandé poliment de vérifier s’il ne restait pas d’autres pièces dans les tiroirs de ce meuble. Quelques jours plus tard, il me rappela pour me monter quelques éléments susceptibles de correspondre au modèle : le châssis, les roues, la suspension et le siège s’adaptaient parfaitement.
Euréka !
L’émotion le disputant à la joie, je trouvais la signature d’Henri Baigent sous le cadre !
Authenticité confirmée
Des recherches sur Internet me permirent de découvrir cet extraordinaire modéliste anglais. Je trouvais également les coordonnées d’un professeur de médecine britannique du nom de Colin Baigent à qui je posais des questions sur Henri Baigent qui s’avéra être son grand-père ! Il m’a mis en contact avec Ray, le fils d’Henri Baigent… Ray me confirma qu’il s’agissait bien de la Ferrari 375 F1 réalisée par son père.
Épilogue
Le modèle, après montage, a suscité l’admiration de Ray Baigent avec qui j’ai entretenu une correspondance soutenue dans les années suivantes. Après diverses recherches, je suis arrivé à la conclusion que ce modèle réduit était un exemplaire unique offert par une personne très proche de Luigi Musso (1924-1958), pilote officiel de Ferrari, qui fut vendu avec le mobilier après sa mort.”
Giuseppe Scarani
Collectionneur de jouets anciens
Propos recueillis par Martine Hermann