Le grain de fantaisie de JEP

Ce train-jouet a la même origine que l’automotrice JEP qui a déjà fait l’objet d’une notice. C’est le legs d’un ami qui, sachant que je collectionnais les jouets anciens, a voulu préserver certains jouets de son enfance, auxquels il tenait, en me les confiant. Le train présenté ici est un train de marchandises tracté par une loco « Boîte à sel », comme celui figurant au centre de ce dépliant JEP datant de juin 1937, qui signale deux variantes de cette rame, l’une, qui y est figurée, est un train de voyageurs (réf : 5770/3 BV), l’autre, simplement signalée, est un train de marchandises (5770/3 M BV).

Dans la cuisine du jeune ingénieur JEP
Rappelons que, selon l’historien des chemins de fer et des trains-jouets, Clive Lamming, la « Boîte à sel » du Paris-Orléans est un simple tracteur électrique qui acheminait très lentement les trains grandes lignes entre les gares d’Orsay et d’Austerlitz, dans un tunnel interdit à la traction à vapeur pour ne pas enfumer les conducteurs et les voyageurs. Les locomotives à vapeur prenaient ensuite le relais pour le parcours grandes lignes jusqu’à Bordeaux ou Toulouse. En sens inverse, le même relais s’effectuait à Austerlitz, où les locomotives à vapeur abandonnaient leur train à une « Boîte à sel » qui terminait le trajet jusqu’à la gare d’Orsay. Ajoutons que le nom de « Boîte à sel » vient du fait que, par leurs capots avant et arrière, ces locos évoquaient les boîtes à sel murales des cuisines de nos grand-mères.

Force, précision et réalisme pour crédo
On ignore encore la raison qui a conduit JEP ou Märklin à créer des jouets avec ce tracteur électrique d’usage finalement très accessoire. Quoiqu’il en soit son succès fut très grand dans les années 30. JEP commercialisa, à partir de 1925, d’abord une version lithographiée d’une grande finesse d’exécution, puis, à partir de 1935, une version en tôle emboutie et émaillée en vert sombre. D’excellente qualité mécanique, la locomotive était qualifiée dans la publicité « de petite merveille de force et de précision, reproduisant exactement les machines en usage dans le monde réel ». Le fait est qu’elle roulait très bien, mais, selon Clive Lamming, elle souffrira toujours d’un grave handicap : celui de n’avoir que quatre roues au lieu d’être une vraie BB. Sa carrière se terminera discrètement en 1937.

Des fonctions ludiques
Le jouet que nous présentons, ici, est la version d’origine, finement lithographiée de couleur verte avec un bandeau inférieur latéral de couleur noire et des extrémités de couleur rouge, référencée 5470, marquée E.1. et P. O. (Paris-Orléans). Cette loco est dotée d’une marche avant/arrière activée par un levier apparent à l’arrière ; sur le capot avant un interrupteur contact met en marche/arrêt. Ses quatre roues en plomb sont peintes en rouge. Un pantographe en losange, également peint en rouge, est simulé sur le toit de la cabine. Elle fonctionne avec un rhéostat non dénué d’inconvénient (voir Les jouets dangereux de l’avant-guerre). Elle est munie d’un attelage symétrique et compatible avec un attelage à croc, réservé aux trains mécaniques et aux trains électriques haut de gamme. À l’avant, on note une ampoule pour l’éclairage, à l’arrière de la loco on relève la marque lithographiée « JdeP-5470-France ». Elle a été produite de 1929 à 1931, une variante avec moteur S 57 20V (réf. 5770 L) a vu le jour en 1932-1933.

Une rame marchandise et ses wagons
Au vu des catalogues publicitaires, il est évident que JEP a commercialisé plus de versions voyageurs que de versions marchandises, comme celle présentée ici, mais l’intérêt de cette dernière était que les enfants pouvaient être acteurs en faisant transporter divers petits objets dans les wagons de marchandises.

En voici quelques-uns de ma collection, de même origine :
• Un wagon tombereau à guérite, dit “plateforme”, muni de deux bogies, mobiles par rapport au châssis du véhicule. Il est lithographié en rouge et noir avec la marque JdeP et la référence 4685 M (M signifiant « marchandise »). Il a un attelage dit “à croc”, automatique mais à dételage manuel, non symétrique utilisé entre 1933 et 1951. Ce wagon a été commercialisé entre 1936 et 1951. Celui-ci, dont on connait l’origine, date d’avant la guerre. Théoriquement, le logo JdeP est caractéristique de la période 1910/1926, en fait, on le retrouve, comme ici, sur des jouets plus tardifs.

• Ce deuxième wagon de notre collection, de même origine, est un wagon-citerne. Il est monté sur bogies et possède un attelage automatique à croc. Il est de couleur grise avec une assise de couleur noire. Les inscriptions « Automobiline, Desmarais Frères, Contce 20000 L » sont en bleu. Il a été fabriqué de 1933 à 1951 sous la référence 4590.

• Ce wagon-grue d’avant-guerre a une même origine que les précédents. C’est une plateforme lithographiée de couleur marron et noir, équipée d’une grue pivotante finie en vert et munie d’un treuil avec un crochet qui permettait à l’enfant de porter des objets d’un wagon à l’autre. Il roule sur quatre roues simulant un bogie. L’attelage à croc est automatique. Il a été commercialisé sous la référence 4547 entre 1933 et 1951.

• Voici, enfin, de même origine, un fourgon à bagage, finement lithographié, au toit crème et à la caisse de couleur verte avec des fenestrons bordés de jaune. Il est monté sur bogie, bénéficie d’un attelage automatique à croc et est équipé, à l’avant et à l’arrière, d’échelles. Il est référencé 5771 B (B pour bagage). Il date des années 1933/1937.

Hornby, un concurrent à la hauteur
Certes, les trains JEP n’ont jamais égalé la finesse du décor lithographié et la qualité esthétique des trains Hornby de la même époque, comme nous le verrons dans des notices ultérieures. Mais n’oublions pas que les chemins de fer ont formé l’essentiel de la production de JEP, et que, grâce à une rationalisation de sa production, la célèbre marque était arrivée, avant-guerre, à un perfectionnement technique remarquable et à une fidélité esthétique exceptionnelle par rapport aux modèles réels.
Estimation : Compter 100 à 150 € pour une “Boîte à sel” JEP, selon son état général et de fonctionnement.
Collectionneur de jouets anciens
Biblio

“JEP, Le Jouet de Paris, 1902-1968”, par Clive Lamming, Adrien Maeght Éditeur, 1988.