Tout beau, tout propre
Chacun sait que les enfants cherchent à imiter les adultes et tout particulièrement leurs parents. Les fabricants de jouets l’ont très bien compris qui réalisent des ustensiles ménagers comparables à ceux des adultes. C’est le cas de ces deux jouets qui, de nos jours peuvent apparaître anachroniques voire même être oubliés : une baignoire et une lessiveuse.
Baquets à tous les étages
En effet, jusqu’au milieu du 20e siècle avoir une salle de bain était un luxe qui n’appartenait pas à tout le monde. L’eau courante était loin d’être présente dans les appartements ou les maisons. Le plus souvent on se baignait dans des baquets en zinc qu’on transportait en général dans la cuisine. On les remplissait avec des brocs d’eau chauffée sur un fourneau et on les vidait à l’aide d’un seau. Les jouets de l’époque en sont le témoignage.
L’épopée du Jouet de Paris
Le Jouet de Paris (JP) a été fondé le 25 octobre 1902. Une usine est construite à Montreuil-sous-Bois, rue de Paris, mais sera détruite par un incendie en 1909. La photographie qui suit, datée de 1908, est donc antérieure à ce drame.
L’entreprise ruinée sera rachetée en 1909 par la SIF (Société industrielle de ferblanterie), sa principale concurrente dans le domaine du jouet en métal. La marque JdeP apparaît à cette époque, quelques fois associée à la marque SIF. Au sein de cet ensemble industriel qui compte des usines à Fresnes (94), Châlons-sur-Saône (71), Beaune (21) et Paris, et des magasins à Alger, Bruxelles, Hanoï et Londres, le Jouet de Paris conservera néanmoins une autonomie certaine, gardant sa propre marque (J de P) qui deviendra JEP en 1928-1930. La preuve en est, pour cette baignoire commercialisée par Le Jouet de Paris sous la référence 3206-4, et reprise dans le catalogue de la SIF de 1936, où son allure s’est modernisée et les pieds de sa tablette, désormais sans volutes, sont devenus pliants.
Une baignoire pour bébé privilégié
Notre baignoire est en tôle peinte, blanc émaillé à l’intérieur, laquée rose à l’extérieur avec un liseré doré. Un robinet fonctionnel de couleur dorée permet de la vider. Elle est amovible et repose sur une tablette dont les pieds contournés en volutes élégantes dorées sont fixes. Elle était vendue avec un broc et un seau avec anse de même couleur. Le tout était emballé dans une boîte en carton de couleur grise restée intacte avec une étiquète collée sur un de ses petits côtés avec imprimés la marque J de P et le numéro de catalogue 3206. La marque et sa morphologie permette de dater ce jouet entre 1909 et 1929.
La lessiveuse pour du linge frais
Le deuxième jouet présenté ici est une lessiveuse datant du début du siècle précédent et fabriquée par la Société industrielle de ferblanterie (SIF) qui, comme nous l’avons signalé, a racheté Le Jouet de Paris en 1909.
Cette entreprise avait été créée le 9 décembre 1899 par la réunion de plusieurs petits artisans ferblantiers français, produisant divers objets, en particulier des articles de ménage et, accessoirement, des jouets de quatre sous.
La lessiveuse a disparu de nos jours mais comme la baignoire décrite plus haut, elle participait à la toilette de bébé, assurant le nettoyage de ses langes. Jusqu’au milieu du 20e siècle, il n’existait pas de machine automatique à laver le linge. On utilisait une lessiveuse commercialisée vers 1880. C’était un grand récipient légèrement conique, en acier galvanisé, qui servait à faire bouillir le linge, en le mettant sur un fourneau ou un foyer. Le linge sale était disposé dans la cuve de la lessiveuse autour d’un tube central creux, appelé cheminée ou colonne, terminé par un capuchon en cuivre percé de trous, appelé le champignon. Au fond de la lessiveuse se trouvait un double-fond. L’eau bouillante remontait depuis ce double fond dans la cheminée jusqu’au champignon, poussée par la vapeur produite par l’ébullition. Comme le champignon était percé d’orifices, l’eau redescendait en traversant le linge et retombait au fond pour remonter à nouveau.
Notre lessiveuse est complète et opérationnelle. Elle est en zinc avec son double fond et sa cheminée dont le champignon est en cuivre. Elle est accompagnée d’une bassine et d’un broc également en zinc. Elle a deux anses latérales et son couvercle est muni d’une poignée en bois pour éviter de se bruler en le manipulant. Elle porte une belle étiquette de couleur bleue, marquée « Nénette », « SIF » dans un losange, « marque déposée » et « Made in France ». C’était le plus grand modèle proposé. Il coutait 9,20 fr. en 1935.
Naturellement le vent du modernisme a balayé en cent ans ces objets domestiques à l’image de ceux utilisés par la maman, mais ils perdurent sous la forme de baignoires en plastique ou de machines à laver. C’est ce que nous montre l’excellent article de Martine Hermann Les arts ménagers avec la laveuse à linge à manivelle et la machine à laver automatique des années 50. Désormais les petites filles, comme leur maman, possèdent des lave-linges automatiques. C’est le progrès ! On peut cependant regretter l’esthétisme suranné de notre baignoire et de notre lessiveuse !
Biblio
JEP, Le Jouet de Paris 1902-1966, par Clive Lamming, Adrien Maeght éditeur, 1988.
Claude Lamboley
Collectionneur de jouets anciens