Deux boîtes de la Belle Époque
Avant la télévision, c’est-à-dire il y a quelque 70 ans, la seule façon de distraire parents et enfants, le soir à la veillée, ou d’occuper les enfants les jeudis, quand le mauvais temps les empêchait de s’ébattre en plein air, c’était de participer à des jeux de société. Beaucoup d’imprimeurs ont produit des coffrets qui réunissaient de nombreux jeux amusants dits “de société”. Parmi les plus connus, citons Saussine, Les jeux et jouets réunis, Mauclair et Dacier (MD), Revenaz et Tabernat, Watilliaux ou encore Simonin-Cuny, mais il y en a bien d’autres…
Nous possédons plusieurs de ces boîtes. Nous en décrirons deux. L’une est caractéristique de ce qui se vendait dans les Grands magasins et dont la trace perdure dans les catalogues d’étrennes de l’époque. L’autre est une boîte très luxueuse, surtout destinée à la distraction des adultes mais dont l’usage, naturellement, pouvait aussi être partagé entre parents et enfants.
Un coffret signé Édouard Desrues
La première de ces deux boîtes se présente sous forme d’une malle de jeux fermant à clé. Elle était vendue à la Samaritaine, en 1936, aux prix de 145, 190 et 315 francs.
Cette mallette en bois et carton fort de couleur bordeaux porte l’indication « Jeux ». Elle s’ouvre par un couvercle supérieur et par un abattant antérieur qui découvre un tiroir muni de deux poignées en laiton. Elle a également deux poignées latérales en laiton pour la porter. Elle contient de nombreux jeux. Ils sont marqués ELD, c’est-à-dire Édouard Desrues, actif 19 rue de la Grange-aux-Belles à Paris. Beaucoup sont toujours à la mode : un jeu de dame et un jeu d’échec avec leurs plateaux respectifs et leurs pions, un jeu de loto, un jeu des sept familles, un jeu de cartes, un jeu de l’oie, un jeu de dominos.
D’autres sont plus ou moins passés de mode et méritent une courte description :
• Le jeu de jonchet
Ce jeu utilisait traditionnellement des petits joncs, d’où le nom du jeu, remplacés par des bâtonnets d’os ou d’ivoire. Un jeu comprend 40 à 60 fiches avec un roi, une reine, un valet et un cavalier. Dans ce jeu le premier joueur, tiré au sort, élève le paquet de fiches au-dessus de la table et le laisse choir. Le joueur suivant, avec un crochet essaye de séparer le plus grand nombre de fiches sans remuer celles qui leur sont proches. À terme, chacun compte le nombre de points gagnés : une fiche =1 point, le cavalier =5, le valet =10, la reine=15, le roi=20 points. Le nom actuel de ce jeu est Mikado dont les bâtonnets sont des petites baguettes de bois ou de plastique.
• Le jeu d’osselets
C’est un jeu d’adresse dont l’origine est antique avec des osselets fait du tarse ou du métatarse de très jeunes moutons. Tenant les osselets dans sa main droite, le joueur les jette en l’air et doit les recevoir sur le dos de la main. Ayant fait passer dans sa main gauche les osselets ainsi retenus, à l’exception d’un seul qu’il jette en l’air et qu’il reçoit sur le dos de la main droite, il ramasse un à un de la main gauche, à chaque exercice de la main droite, les osselets qui, au premier coup, se sont éparpillés sur la table. Actuellement on utilise des copies en métal ou en plastique de plus petite taille.
• Le jeu de Nain jaune
Appelé aussi Lindor, il est né au 18e siècle et fait référence à un conte de Mme d’Aulnoy. On utilise 52 cartes et un plateau au centre duquel est dessiné le Nain jaune tenant un sept de carreau. Aux quatre coins sont représentés le 10 de carreau, le valet de trèfle, la dame de pique et le roi de cœur.
• Le jeu de roulette
Avec ses deux tapis verts sur lesquels sont inscrits, en alternance en rouge et en noir, les numéros de 1 à 36 disposés en trois colonnes. Ces colonnes sont séparées par deux lignes à la tête desquelles se trouvent, sur l’une un zéro rouge, sur l’autre deux zéro noirs. Sur les bords du tableau sont inscrits d’un côté : impair, manque, rouge, sur l’autre : pair, passe, noir. Entre les tapis, on place une sorte de cylindre avec au centre une sorte de moulinet dont les bords sont garnis de petites cases numérotées de 1 à 36. Après que chacun ait ponté, le banquier fait tourner le tourniquet tandis qu’il lance une bille en ivoire. La case où elle s’arrête désigne le gagnant.
• Le jeu de la boule
Avec son tapis vert. Ce jeu a été inventé à l’époque où les casinos étaient à leur apogée. En fait, il tire ses origines de son illustre ancêtre : la roulette. Son histoire commence autour des années 1920, lorsque les établissements français ont proposé un jeu appelé « Petits chevaux ». Ce dernier ne disposant pas d’un Game Play efficace, ne suscita guère l’intérêt des joueurs. Conscient de ce fait, un gestionnaire de l’institution décida de le réviser et y apporter quelques améliorations. En 1923, il créa alors un jeu de table qu’il appela « la boule ». La boule est basée sur les mêmes règles que la roulette traditionnelle, mais en plus simple. Le jeu de la boule contient 36 poches avec des numéros allant de 1 à 9. Chaque numéro revient quatre fois sur la table et deux fois sur la roue. On peut également observer les poches portant chacune une couleur, tel que le rouge ou noir, en dehors de la poche 5. Le numéro 5 est similaire aux « 0 et 00 » à la roulette. Remarquez que c’est la seule case de couleur jaune. Le but est de parier sur l’issue d’un lancer et les mises doivent être placées avant que la bille ne soit jetée.
• Le jeu de puce
Jeu d’adresse qui consiste à faire sauter un petit jeton dans un réceptacle placé à une distance raisonnable en faisant pression à l’aide d’un autre jeton.
• Le jeu de taquin
Ce casse-tête est un jeu solitaire en forme de damier créé vers 1870 aux États-Unis. Il se compose d’une boîte carrée et de 15 petits carreaux numérotés de 1 à 15 qui glissent dans un cadre prévu pour 16. Il consiste à remettre dans l’ordre les 15 carreaux à partir d’une configuration initiale quelconque.
• Le jeu de solitaire
Dit aussi « Jeu français » , il se compose d’une tablette octogonale percée de 37 trous ; 37 petites fiches mobiles à tête ronde et bout pointu se placent dans les trous. On enlève une fiche, à la volonté du joueur. La marche du jeu consiste en ce qu’une fiche prend, comme aux dames, celle qui lui est contiguë, toutes les fois qu’elle peut, en sautant par-dessus verticalement ou horizontalement, tomber dans un trou vide placé immédiatement de l’autre côté. À la fin, il ne doit rester d’une seule fiche.
Un coffret anglais
C’est un coffret de jeux de salons, pouvant naturellement servir à distraire parents et enfants. Il s’agit d’un compendium d’origine anglaise, en placage de palissandre doublé d’acajou fermant à clé. S’ouvrant par un couvercle rabattable sur le dessus et par deux portes sur le devant, il laisse apparaître une série de jeux de société : un jeu d’échec dont les pièces et pions sont en bois d’ébène et en bois de citronnier tourné et le plateau en cuir avec incrustation des cases en cuir rouges et noirs, au revers duquel on note un jeu de steeple-chase dont les éléments sont en plomb, un jeu de dames, un jeu de dominos en ivoire, des jeux de cartes de Delarue & Cie, éditeur à Londres, un jeu de cheval et marteau, divers marqueurs de jeux en ivoire.
Un plateau supérieur en bois précieux se soulève et libère le fond du coffret qui contient les marqueurs en ivoire, les chevaux en plomb avec des accessoires comme une barrière ou une rivière et un gobelet en bois exotique pour mélanger les dés. Ce coffret a été fabriqué en Grande-Bretagne entre 1900 et 1930. Il est resté dans un état de fraîcheur remarquable. Un exemplaire identique fait partie de la collection du musée suisse du jeu à La Tour-de-Peilz, au bord du Lac Léman.
Estimation : la mallette de jeux peut être évaluée entre 120 et 150 €. Quant au coffret anglais identique au nôtre mais en noyer, s’est vendu récemment 3150 € en salle des ventes.
Collectionneur de jouets anciens