Tout en finesse

La tradition des découpages remonte à la nuit des temps et est quasi universelle. La preuve en est dans l’art des kirigami japonais ou des papiers découpés chinois, mais aussi en Europe dans les canivets des religieuses dès le 17e siècle, l’art de la silhouette au 18e siècle ou les découpages suisses qui perdurent depuis la même époque.

Minutie et adresse dans la réalisation
Mais le 19e siècle, véritable âge d’or grâce à l’invention de la chromolithographie, va voir la diffusion industrielle de ces constructions de papier à découper et à coller pour la plus grande joie des enfants et la tranquillité des parents. De nombreuses maisons d’édition vont imprimer des feuilles de découpage, ainsi l’imprimerie Dehalt de Nancy, dont nous avons placé en début de cette notice, la planche « Constructions pour enfant, le grille-café n° 102 », ou encore la société des Imprimeries réunies de Nancy (IRN) fondée en 1905 par Albert Bergeret (1859-1932), après fusion des établissements nancéiens A. Bergeret et Cie, Helmlinger-Spillmann et A. Humblot. Cette entreprise a disparu en 1936.


Pellerin adepte de Rousseau
Mais, c’est l’imagerie Pellerin d’Épinal qui, par son importance, la qualité et la variété de ses productions, a retenu l’attention des collectionneurs de planches de découpage, au point qu’on a tendance à les lui attribuer toutes de manière abusive. Rappelons que l’imagerie Pellerin a été fondée par Jean-Charles Pellerin, en 1796. Artisanale au départ, elle deviendra une véritable industrie avec l’arrivée, vers 1850, de la chromolithographie qui révolutionne la technique d’impression.

Avec la conception rousseauiste, l’enfant devenant le centre d’intérêt de la famille, Pellerin exploitera cette clientèle enfantine et s’intéressera à la publication de devinettes, de soldats, de poupées à monter et de découpages. L’imprimeur proposera, dès le milieu du siècle, des montages inspirés de l’imaginaire du temps : exploits sportifs, prouesses techniques, décors historiques ou exotiques, créant les séries Petites, Moyennes et Grandes Constructions et Le Petit architecte, imprimées sur papier fort. Le succès sera très grand.


Dans les Grandes constructions on trouve entre autres des découpages qui évoquent les techniques nouvelles telle La locomotive, image n° 199. Elle est en papier fort.

On peut lui adjoindre son wagon imprimé dans la même série. La locomotive à vapeur et le wagon ont le charme de ces moyens de locomotion de la fin du 19e siècle.

Bien sûr, la complexité des découpages et des collages augmente avec la taille de la feuille.
Les contes enfantins ont droit aussi à des images à découper .

Sans oublier les poupées à habiller, planche éditée par l’Imagerie Pellerin. Voir aussi Les Pantins.

La deuxième moitié du 19e siècle voit les pays européens, en particulier la France, conquérir des colonies. Pellerin s’inspirera aussi de cette actualité.

Nous avons vu dans nos notices l’importance des Marionnettes dans la distraction des enfants, Pellerin créera le Théâtre Guignol, N° 1022 dans la série Moyenne construction que nous avons remonté puisque nous en possédions deux exemplaires, certains personnages étant animés à l’envers du décor par manipulation d’un axe en bois.


Planches animées
Ceci nous amène à signaler l’animation de certaines de ces planches dites à transformation ou à système comprenant des parties mobiles soit coulissantes et actionnées par une languette de papier, soit rotatives et montées sur une épingle servant d’axe. Le plus souvent cette animation, comme dans l’exemple ci-dessus, est élémentaire avec un seul ou deux mouvements. Parfois cette animation est due à l’écoulement de sable comme dans l’exemple, que nous avons évoqué dans notre notice Les automates à sable, L’incendie. Surtout, elle peut être plus complexe dans les Grandes constructions comme dans l’exemple suivant qui a la taille d’une Grande construction. Elle est signée ER. Il y a au total une vingtaine de pièces mobiles : une scie, un balai, un rasoir, un marteau, etc. Ces outils sont animés par des languettes de carton mises en branle en manipulant une tirette qui se trouve en bas et à droite.

Tous ces exemples tirés de ma collection montre que ces découpages nécessitent beaucoup de dextérité et de minutie. Il est vraisemblable que les enfants à qui ils étaient destinés, se faisaient aider par leurs parents, comme pour la confection des albums de découpis (Voir Chromos et découpis). Cette distraction enfantine contribuait certainement à créer une complicité enfant/parent.
Estimation : Chaque planche peut être évaluée entre 20 et 40 €.
Biblio

Trésors des images d’Épinal, par René Pertout, Éditions Jean-Pierre Gyss, 1985.
Collectionneur de jouets anciens