La ronde des cubes
Siècle d’importantes innovations technologiques, le 19e siècle a permis le développement des jeux et jouets. La baisse des coûts de fabrication favorisa leur diversité et leur démocratisation. Les camelots et colporteurs, les bazars et les Grands magasins contribuèrent à leur essor. Parmi ces jeux, les cubes en bois sont une illustration exemplaire de l’esprit du temps. De conception simple et d’une mise en œuvre économique, ils ont bénéficié d’une fameuse découverte : la chromolithographie. L’utilisation de cette nouvelle technique permit l’impression sur papier en série de nombreuses planches en couleur.
La chromolithographie ou l’impression en couleurs
Si la lithographie, technique de dessin sur pierre fondée sur l’antagonisme de l’eau et des corps gras, a été inventée vers 1800 par le musicien pragois Aloys Senefelder afin de publier ses partitions à moindres frais, c’est le lithographe alsacien Godefroi Engelman qui, en 1837, développe le procédé pour l’impression en couleurs.
Sous le nom de chromolithographie, cette nouvelle technique est rapidement adoptée pour la diffusion de tracts, d’affiches et d’imagerie populaire. Vers 1880, un brevet est déposé en France pour l’utilisation d’un cylindre de caoutchouc plus souple qui assurait une meilleure répartition de la force de pression que la pierre encrée initiale. A l’origine peu remarquée en France, cette technique développée aux États-Unis sous le nom d’offset est utilisée aujourd’hui encore.
Six faces
Pour agrémenter les simples cubes rangés dans un coffret en bois souvent verni, six chromolithographies sont encollées sur chacune des faces de chaque cube. Le défi pour les jeunes enfants consiste alors à reconstituer les six images différentes à partir de n’importe quelle configuration de départ, compte tenu du fait que, dans cette situation fermée, une seule solution est possible.
Diverses sources d’inspiration
Les illustrations colorées sont très variées. Jeux enfantins, scènes quotidiennes à la maison, à la ferme ou à l’école, paysages et animaux sont souvent représentés. Plus pédagogiques, certains jeux de cubes reproduisaient des cartes de géographie ou des faits historiques célèbres, d’autres évoquaient des fables, des contes, des comptines…
A l’instar des puzzles, plus le nombre de cubes était important, plus l’image était grande et détaillée, et plus la reconstitution était difficile. Une variable d’ajustement afin d’adapter ce jeu à l’âge des enfants.
Fabrications souvent anonymes
Parce que dès l’origine ils constituent une production d’éditeurs, les jeux de cubes ne portent que rarement une marque de fabrication. Il suffisait aux imprimeurs de disposer du procédé de chromolithographie pour réaliser des jeux de société. En France, l’éditeur parisien Hugues-Marie Duru, en fut l’un des précurseur dès les années 1850. D’autres suivirent et parmi eux le lithographe Jannin ou l’éditeur Watilliaux vers 1870-80 ou encore E. Chevalier dans les années 1920 et plus tardivement les éditions NK Atlas.
Mais il sera souvent inutile de chercher à identifier les jeux de cubes anciens. La plupart sont anonymes. Toutefois, quelques maisons spécialisées dans la fabrication de jouets en bois signèrent leurs boîtes tels Villard & Weil, Jouets et jeux français ou Jeujura.
Une longue lignée
Bon marché, attrayants et éducatifs les jeux de cubes ont connu un succès qui ne s’est jamais démenti. Sans cesse renouvelés et réactualisés au fil des décennies, ils font partie de l’environnement ludique de toutes les générations depuis les années 1850. Dans les années 1960 et 1970, les Jouets Garnier ont commercialisé des jeux de cubes illustrés des personnages de Walt Disney ou de séries TV. D’autres fabricants ont proposé des jeux d’éveil sous forme de cubes. Ce jeu si familier connut sa révolution et sa consécration planétaire dans les années 1970 avec le Rubik’s cube.
Estimation : compter 200 € pour un jeu de cubes de la fin du 19e ou du début du 20e siècle. Ceux des années 1960 et 1970 se trouvent entre 10 de 35 € selon les thèmes.