Apprendre en s’amusant
2 – L’histoire et la géographie
Jusqu’à ces dernières décennies, l’enseignement de l’histoire de France se faisait sous la forme d’un roman national qui célébrait les mérites de quelques héros comme Henri IV, Louis XIV ou Napoléon et rappelait des évènements marquants comme le baptême de Clovis, la bataille de Bouvines ou celle d’Austerlitz. Leur illustration par des jeux était aisée. C’est la raison pour laquelle de nombreux jeux ont été créés dès le 19e siècle en complément de l’enseignement scolaire avec l’idée d’enseigner tout en s’amusant.
La monarchie française avant 1815
Le plus ancien de ma collection est un Jeu de cartes historiques non daté, imprimé vers 1804-1820.
Le concepteur en est Joseph Étienne dit Étienne de Jouy (1764-1846) qui publiera entre 1804 et 1820 une série de cartes instructives, au total seize jeux : la monarchie française, l’histoire grecque, la mythologie, l’histoire sainte, la géographie, le nouveau testament, l’histoire d’Angleterre, l’histoire des animaux, des empereurs, lecture, musique, chronologie, jeu encyclopédique, botanique et astronomie. Est présenté ici le second jeu de la série, il contient “Un abrégé de l’histoire de la monarchie française de Pharamond jusqu’à Louis XVI”. Destiné à l’instruction et à l’amusement de la jeunesse des deux sexes, ce jeu est illustré des portraits des 48 rois auxquels s’ajoute celui de Louis XVII gravés sur bois par Pierre-François Godard (1768-1838) et tirés sur les presses de Pierre Didot (1760-1853). Louis XVIII et Charles X n’y figurent pas ce qui permet de dater ce jeu avant 1815. Ces portraits sont dans des médaillons surmontant une courte biographie du monarque concerné. Ce jeu était commercialisé chez Vanackere à Lille et Ch. Gosselin à Paris.
Pour ce deuxième jeu de cartes historiques l’avis de l’auteur se réduit à une page de présentation ; il se réfère à son engagement de publier successivement les différentes parties d’un cours élémentaire et nous rappelle que les surnoms donnés aux monarques ne sont pas toujours justifiés. Quant à la règle du jeu, celle-ci est fort simple : c’est un jeu de bataille, la levée est faite par la plus forte carte. Ces cartes sont en effet numérotées, et jouer va d’abord nécessiter de lire facilement les nombres qui sont en chiffres romains, ainsi la carte XLVIII l’emporte sur la carte XXXVIII. Mais pour empocher son gain le joueur devra donner quelques éléments sur les personnages des cartes formant son pli. S’il en est incapable, il cède son droit au joueur suivant.
L’instruction magnétique
Voici un exemple de jeu magnétique dont le but est d’instruire (voir Les jeux magnétiques de Léon Saussine). Rappelons que ce jeu de l’Histoire de France a été créé en 1885. Sur le couvercle figure une illustration : Louis IX (Saint Louis) défait les Sarrasins devant Tunis (7e Croisade 1270). L’illustrateur est Coudert, l’éditeur-lithographe est Jannin, l’éditeur est Saussine-Paris, l’imprimeur est Roche. Aux quatre coins du plateau de verre intérieur sont représentées des illustrations lithographiées de l’Histoire de France
Au centre, les réponses sont marquées dans des cercles concentriques de couleurs différentes. Il y a cinq palettes de questions. Elles sont également de couleurs différentes. Les questions portent sur les faits les plus importants de notre histoire. En voici quelques exemples : Quelles sont les victoires de Condé ? Par qui fut prêchée la première Croisade ? Qu’est-ce que la bataille d’Isly ?
Le loto, hasard et initiation
L’invention du jeu de loto est souvent attribuée à l’Italien Benedetto Gentille. C’est François 1er qui l’aurait importé en France à son retour de la campagne d’Italie. Par l’illustration que la chromolithographie a rendue aisée, au milieu du 19e siècle, ce jeu se prête facilement à l’enseignement tout en s’amusant. Ainsi pour l’Histoire.
Voici L’Histoire de France à travers les siècles et en 12 tableaux, un jeu de loto édité par Léon Saussine et richement illustré par E. Serre où figurent pêle-mêle sous la bannière de Jeanne d’Arc, Richelieu, Napoléon, Victor Hugo et Gambetta, entre autres, aux pieds d’une figure féminine symbolisant la France dont ils ont assuré la gloire.
Dans ce jeu, les cartons sont illustrés de scènes de l’Histoire de France avec les portraits de quelques hommes célèbres qui ont fait la France et les dates des faits marquants. D’autres variantes existent avec des cartons à double lecture : la date des faits marquants et les numéros ordinaires de 1 à 72.
Un loto d’histoire-géo
Le Loto artistique Géographie et Histoire se présente sous la forme d’un livre relié de toile rouge et muni d’un fermoir, à la manière des livres de prix
Ce loto a été édité par Alexandre Jullien né le 19 janvier 1829 à Villeneuve-sur-Bellot (Seine-et-Marne). Installé en 1854, rue St-Denis à Paris, il transfère son activité en 1865 au 1 rue des Grands-Chantiers puis au 55 rue des Archives à Paris. Il présente des jouets à l’exposition universelle de 1878, et fait partie du jury aux expositions de Barcelone (1888) et Paris (1889). Après son décès intervenu en 1889, la maison Jullien est rachetée par la société Duval et Logeat. Albéric Duval dépose en 1890 la marque de sa maison : des initiales JL entourées d’un ovale. (Article français N° 74). La société est dissoute en 1896 après avoir été vendue à Delhaye Frères. Des jeux sont présentés à l’exposition universelle de 1900. La société rejoint en 1905 les Jeux et Jouets Français.
Les cartons de ce loto sont richement illustrés avec une bordure dorée. Ils représentent les départements français avec leurs armoiries, leurs habitants vêtus de leurs costumes traditionnels, quelques monuments (églises ou châteaux) et le portrait de personnages illustres.
Géographie, à la découverte du monde
Le 19e siècle a été un siècle de découverte du monde, les jeux éducatifs en sont le reflet comme ce Loto des 5 parties du Monde. Ce jeu présente les “races humaines, productions végétales et animales”. Il est dans un coffret dont la couverture est joliment illustrée avec au centre les cinq parties du Monde avec les races correspondantes représentées par un Indien, une Musulmane, une Japonaise, une Africaine et, trônant au centre, une Européenne. Inutile de préciser qu’une telle représentation serait, de nos jours, politiquement incorrecte. Des petits tableaux aux quatre coins de la couverture montrent des paysages et des animaux caractéristiques de chaque continent.
Les atlas
Au cours du 19e siècle, beaucoup d’éditeurs de jeux proposaient des atlas dans un but éducatif. Dans un coffret qu’ils créaient, ils y mettaient un atlas réalisé par un géographe. Voici un Atlas géographique en jeu de patience édité par Auguste Logerot, (1804-1876). Il a exercé son activité d’éditeur de cartes de 1836 à 1869, d’abord, rue de Savoie à Paris, puis 55 Quai des Augustins à partir de 1841. En 1869 il cède son fonds à son fils qui le dirige jusqu’en 1876. Les cartes de ce jeu ont été dressées par A.R. Frémin, géographe et éditeur de la première moitié du 19e siècle exerçant au 34, rue des Fossés-St-Jacques à Paris. L’exemplaire présenté ici date des années 1860. Il se trouve dans un coffret dont le couvercle est décoré dans le gout de l’époque.
Géographie et instruction civique
Pendant longtemps, on a exigé que les enfants connaissent par cœur les départements français avec le nom des préfectures et des sous-préfectures. Cela contribuait à leur instruction civique. Nombreux sont les éditeurs de jeux qui s’en sont inspirés. Voici le loto des départements édité par Hyppolyte Narcon vers 1860-1870. Il est dans un coffret dont le couvercle est dessiné par Coudert avec des personnages dans leurs costumes traditionnels. La lithographie est de Jannin rue des Bernardins (1860-1873).
Le jeu comprend 15 cartons comportant chacun 5 numéros. Sur ces cartons sont représentés les départements avec les chefs-lieux et les sous-préfectures, un personnage vêtu de son costume traditionnel et un numéro.
Rappelons qu’Hippolyte-Constantin Narcon a fondé sa maison d’édition en 1858. En 1865 il rachète le fonds du fabricant de jeux Thomas. Sa production est très variée. Elle est récompensée par une médaille de bronze à l’exposition universelle de 1878. Après son décès en 1889 le fonds de tabletterie et jeux est cédé à Paul Perret.
Géographie en cubes
Les jeux de cubes ont aussi été des supports pour l’enseignement de la géographie élémentaire en s’amusant. En voici un, Études géographiques, édité par Hachette & Cie boulevard Saint-Germain, donc après 1864. Le coffret est constitué de six séries de neuf cubes sur lesquels sont lithographiés les départements français ainsi que les possessions d’outre-mer.
Plusieurs feuilles indépendantes donnent le résultat final du jeu avec les départements et quelques monuments caractéristiques, tandis qu’au verso, est imprimé un court résumé des caractéristiques du département représenté tels la superficie, les cours d’eau, l’histoire, les personnages célèbres, la population, les divisions administratives, etc.
Ces notices affirment clairement le but de ces jeux, l’enseignement en s’amusant, dans la droite ligne politique de l’époque des Guizot et Jules Ferry.
Estimation : Le jeu de cartes historiques d’époque Empire peut se trouver à un prix allant de 110 à 350 €. Le loto artistique se trouve au prix de 250 €, le jeu de cubes à 150 €.
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