Apprendre en s’amusant
4 – La littérature
“Grand-mère raconte-moi une histoire”… Comme le montre cette gravure-frontispice de l’édition originale des contes de Perrault que nous possédons, quel est l’enfant qui n’a pas émis ce désir avant de s’endormir ? Aussi, dès qu’il saura lire, en un temps où l’enfant n’était pas toujours rivé à l’écran d’une tablette, demandera-t’il des livres. Mais ce ne sont pas les nombreux recueils et les journaux à “images”, apparus dans le dernier quart du 19e siècle, comme le Journal des écoliers, le Magasin des demoiselles ou le Journal de la jeunesse qui avaient tous en commun d’être éducatifs, ni la presse enfantine plus distrayante comme Cri-Cri, l‘Épatant ou la Semaine de Suzette, créée en 1905 par H. Gautier, qui nous intéressent ici. Nous nous consacrerons à quelques jeux qui faisaient allusion à la littérature, sans prétendre, naturellement, à être exhaustif.
Le théâtre
Nous avons déjà décrit Les théâtres de papier édités en France par Pellerin ainsi que les théâtres d’ombres. Ils étaient accompagnés de nombreuses planches, faisant allusion à des pièces de théâtre, qu’il fallait découper soigneusement et contre-coller sur du carton fort ou des planchettes pour qu’elles animent le théâtre ou des livrets, surtout en Grande-Bretagne, qui résumaient des grands classiques comme Otello, Richard III ou Hamlet… Tout en jouant à réaliser des spectacles où étaient conviés les petits amis, les enfants de l’époque s’imprégnaient de littérature et se cultivaient.
Les contes et les fables
Dans l’univers littéraire des enfants, les contes occupent une place de choix. C’est le cas des frères Grimm, auteurs des Contes de l’enfance et du foyer dont est tiré le conte de Blanche Neige écrit en 1812 qui décore le couvercle de ce puzzle, mais aussi les trois puzzles qu’on trouve à l’intérieur inspirés par ces contes : Cendrillon, à l’origine conte de Perrault réécrit par les frères Grimm, Le petit chaperon rouge et Le frère et les sœurs. Nous ignorons l’éditeur de ce puzzle dont les dimensions sont 36x27cm. D’après le style du couvercle, il est manifestement du dernier quart du 19e siècle.
Les Fables de La Fontaine sont aussi des incontournables de la littérature enfantine. Elles ont leur place dans les jeux. Nous en avons deux exemples. Ce jeu de loto, « Le jeu des fables de La Fontaine » édité par Saussine.
Et cet autre avec la fable Le renard et les poules. Celle-ci a donné naissance à un jeu de stratégie qui oppose un renard à treize poules, le but étant d’empêcher le renard de manger les poules. Saussine, qui n’a édité que cinq jeux de stratégie dont on n’a trouvé aucun plateau, a réalisé celui-ci, dont nous voyons ci-dessous la superbe chromolithographie destinée à orner le couvercle du jeu. Son illustrateur est Serre.
Ce jeu faisait partie aussi des jeux de société souvent regroupés dans un coffret. En voici un, composé d’un plateau en carton et de treize poules et un renard. Le plus souvent ceux-ci sont représentés par des pions semblables à ceux d’un jeu de Dame, mais ici ce sont des figurines en ivoire sculpté.
Les contes de Mme Aulnoy sont un peu oubliés aujourd’hui sauf L’Oiseau bleu qui a inspiré Léon Saussine avec ce jeu magnétique. Créé en 1876, il se présente sous la forme d’un coffret dont la gravure du couvercle a été dessinée par Coudert, connu comme dessinateur, lithographe industriel entre 1854 et 1890. L’éditeur-lithographe est Jannin à Paris.
Le Nain jaune
Le Nain jaune est un jeu de cartes utilisant un tableau composé de cinq cases créé à la fin du 18e siècle. C’est un jeu de hasard raisonné, car il mêle les aléas de la distribution des cartes et la stratégie de la construction des suites. Au départ, le Nain jaune est le héros laid, jaloux et méchant d’un conte de la baronne d’Aulnoy publié en 1698. Le jeu apparaît vers 1760 en Lorraine sous le nom de jeu du nain par allusion au nain Nicolas Ferry, protégé de Stanislas de Pologne, duc de Lorraine qui, en vieillissant serait devenu violent et cruel expliquant le surnom de nain jaune.
Ce jeu se répandra dans l’Europe entière et deviendra populaire jusqu’à la Révolution française durant laquelle, en 1792, il est aussi appelé le Jeu de Lindor. Il se joue avec 52 cartes et un plateau (ou tableau) de jeu comportant cinq cases représentant aux quatre coins le 10 de carreau, le valet de trèfle, la dame de pique et le roi de cœur, et au centre le 7 de carreau ou « Nain jaune ». Des jetons qui peuvent être de couleurs et de valeurs différentes sont également répartis entre les joueurs au début du jeu.
On peut aussi citer le Jeu de la Cigogne et de la grenouille qui s’inspire probablement de la fable de La Fontaine Les grenouilles demandant un roi. Il a été édité en 1870.
Les romans
Nous en avons déjà décrit comme Les danseurs lilliputiens, jeu d’adresse et de hasard édité par Saussine qui fait allusion au roman anglais de Jonathan Swift, publié en 1721, Les voyages de Gulliver, dont des versions allégées et le plus souvent illustrées étaient proposées à la lecture des enfants.
Les enfants, surtout les garçons, se passionnaient pour les romans d’aventure de Jules Verne qui paraissaient sous la forme des belles reliures, rouge et or à tranche dorée et dos au phare, éditées par Jules Hetzel dans la série Les voyages extraordinaires, illustrées par de grands dessinateurs. Certains de ces livres ont été des sources d’inspiration pour des jeux. C’est le cas du célèbre Tour du monde en quatre-vingt jours, publié en 1873, qui raconte le tour du monde en 80 jours d’un excentrique britannique, Phileas Fogg accompagné de son valet Passepartout, à la suite d’un pari fou. Il a été décliné en nombreux jeux, même de nos jours tant est universel ce récit d’aventure.
Nous en possédons deux exemples. L’un est un jeu de l’Oie (voir Les jeux de l’Oie), édité par la société Les Jeux et Jouets Français, qui date de 1895. Composé de 80 cases numérotées, il relate le périple autour du monde de « Monsieur Phileas Phogg (sic) et de son serviteur Passepartout » (case N° 1) jusqu’à la case 80 « Messieurs je vous salue ». Les cases 1 à 42 sont disposées autour de la planche, les suivantes tournent autour d’un planisphère central. Quatre vignettes (Vue de Londres, La demande en mariage, Au Reform-Club et Le retour…) encadrent aux quatre coins le planisphère. L’imprimeur est Roche frères à Paris.
L’autre est un Théâtre-cubes. C’est un jeu de cubes classique (voir Les jeux de cubes) contenu dans une boîte en bois dont le couvercle est orné d’une lithographie « L’attaque du train » signée par E. Chevalier Paris. À l’intérieur on trouve cinq planches lithographiées signées et datées 1922.
Un roman de Jules Verne, « Le testament d’un excentrique », est particulièrement original alliant le roman lui-même à un jeu de l’Oie « Le noble jeu des États-Unis d’Amérique ». Ce roman, édité en grand format illustré en 1900 chez l’éditeur Hetzel, relate en effet une gigantesque partie de jeu de l’Oie à l’échelle des États-Unis appelés l’Union à l’époque, dans laquelle chaque case correspond à un État des États-Unis identifié par son blason. Ce livre fut écrit en 1897. Il raconte comment un richissime excentrique décide de léguer sa fortune à l’un des habitants de Chicago, ville rendue fameuse par l’Exposition universelle de 1893. Ainsi, à sa mort, un tirage au sort est organisé et six “chanceux” sont désignés. Mais, afin de déterminer qui entrera en possession de la fortune convoitée, ils doivent disputer une partie de jeu de l’Oie, à l’échelle des États-Unis.
Le livre conserve, inséré entre les pages 160 et 161, le parcours du fameux jeu de l’Oie. Dans son édition originale in quarto, il est relié avec le cartonnage rouge au globe doré, dos au phare, tranches dorées. Il est illustré de nombreuses gravures in et hors texte par George Roux.
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