Les jouets dangereux
Première partie : l’avant-guerre
Collectionner les jouets, c’est préserver un patrimoine fragile, témoin de son temps. Ces jouets sont en effet le reflet de l’Histoire, du savoir-faire et donc de la technologie, mais aussi des mœurs du temps. Aussi, le collectionneur se rend-il vite compte que beaucoup de ces jouets, à cause du principe de précaution et du politiquement correct en vigueur actuellement, seraient de nos jours déconseillés voire même interdits.
Le principe de précaution
Ainsi, outre les considérations économiques, c’est ce qui a conduit à remplacer, en 1960, les jouets en métal qui risquaient de blesser l’enfant par des jouets en plastique. La petite auto en métal vendue dans les années 60 sous la marque CR (Charles Rossignol), marque qui devait disparaitre en 1962, portait une étiquette précisant qu’il ne s’agissait pas d’un jouet mais d’un objet décoratif !
Les jouets scientifiques
Et que dire des jouets scientifiques qui étaient proposés aux enfants pour leur éducation ? Leur fonctionnement comportait une part de dangerosité.
• La vapeur vive
C’était le cas des machines à vapeur qui étaient constituées d’une petite lampe à alcool qui, allumée, faisait bouillir l’eau d’un réservoir dont l’échappement, contrôlé par une manette, pouvait animer un petit automate. Même si la capacité du réservoir et de la lampe à alcool était réduite, même si le père aidait probablement son petit garçon à manipuler ces jouets, il existait un risque de se brûler inacceptable de nos jours.
En voici deux beaux exemples : une machine à moteur vertical de la marque allemande Doll, des années 1910-1920 avec un automate représentant un forgeron de la même marque, daté de 1912.
La même remarque peut s’appliquer à une machine à moteur horizontal de la marque Bing produite à la même époque ou à une locomotive à vapeur Bing de 1910.
• L’électricité
Les jouets mettant en pratique l’électricité ont curieusement été proposés aux enfants avant même que l’électrification soit une réalité au domicile de leurs parents. Le danger d’électrocution était peu probable, mais l’enfant risquait de recevoir une petite décharge électrique désagréable.
C’est par exemple la machine électrostatique de Wimshurst qui était proposée soit seule, soit intégrée dans un coffret d’expériences électriques, accompagnée d’un opuscule descriptif des expériences possibles et de différents appareils tels une bobine de Ruhmkorff, une pile de Grenet en forme de bouteille en verre contenant une solution de bichromate de potassium, un moteur avec des tubes de Geissler se teintant d’une fluorescence colorée au passage du courant, une table d’expérience, une bouteille de Leyde, etc.
Un autre exemple, ce coffret de téléphone proposé dans un catalogue d’étrennes de 1910 de la ville de Saint-Denis fonctionnant avec deux piles sèches Leclanché comprenant un vase extérieur en verre contenant une solution saturée de chlorhydrate d’ammoniaque, un bâton de zinc amalgamé plongeant dans cette solution (le pôle négatif), un vase poreux renfermant un mélange de dioxyde de manganèse et une lame de charbon constituant le pôle positif.
Outre que l’enfant pouvait se blesser en brisant l’enveloppe de verre des piles, le dioxyde de manganèse est connu pour sa nocivité en inhalation et en cas d’ingestion. Quant au chlorhydrate d’ammoniaque, bien qu’il ne soit pas réellement dangereux pour la santé, son inhalation peut provoquer des toux, son contact avec la peau ou les yeux des rougeurs, son ingestion des nausées, des maux de gorge, des vomissements.
Signalons aussi les premiers trains électriques alimenté sans transformateur dont le 110 V passait directement dans les rails. Châtaigne garantie !
• Au feu !
Les appareils de projection cinématographique, inventés par les frères Lumière en 1895, ont été précédés par des jouets. Ces lanternes magiques avaient comme source lumineuse soit primitivement une bougie, soit des petites lampes à alcool, soit des lampes à pétrole comme dans le cas des lampascopes. Inutile de souligner le danger potentiel que constituaient ces sources lumineuses, surtout la lampe à pétrole.
Si les images vues dans ces lanternes étaient peintes sur des plaques de verre, naturellement susceptibles de se briser et de blesser l’enfant, le danger fut plus grand encore lorsque ces appareils utilisèrent des pellicules de nitrate de cellulose hautement instable, inflammable, voire explosif ! Celui-ci, appelé, “film flamme”, perdurera jusque dans les années 1950. Ce n’est qu’en 1938, qu’apparaîtra le film dit “de sûreté”, ou “film non-flamme” en acétate de cellulose.
• Les rayons X
Mais le jouet le plus dangereux qui ait été proposé aux enfants reste ce coffret appelé “Radiographie avec écran pour voir à travers le corps”. Il était présenté dans le catalogue des étrennes des Grands magasins du Louvre en 1905.
Cette boîte renfermait une machine de Wimshurst, fournissant l’électricité, un tube de Crookes qui produisait les RX et un écran. Il faut préciser que les rayons X, de découverte récente, en 1895, avaient alors un grand succès comme distraction de salon sous forme de “jolis numéros pour les séances de physique amusante en famille” comme nous l’apprend le numéro 1254, du 12 juin 1897 de la revue La Nature. Inutile de dire que ce jouet fut retiré de la vente quand on découvrit que les rayons X, en l’absence de gants de protection en plomb, provoquait une nécrose des doigts exposés. Aussi ce jouet est-il d’une grande rareté, d’autant que son prix était à l’époque très élevé : 58 francs (228 € d’aujourd’hui).
Collectionneur de jouets anciens