Petites poupées modèles
Cette notice vient en complément de l’article de Martine Hermann, Les poupées de poche ou dans les œufs, faisant référence à cette charmante coutume d’offrir des œufs, à Pâques ou lors d’un baptême, dans lesquels étaient nichées de minuscules poupées. Nous évoquerons plus généralement ici ce que l’on appelait Mignonettes dont je possède plusieurs exemplaires.
Œuvres de porcelainiers et de couturiers
C’est en 1875 qu’elles apparaissent en France. Leur succès doit beaucoup à L’Exposition universelle de 1878 qui mettait en valeur les meilleurs savoir-faire dans les arts, l’artisanat ou l’industrie. Certains artisans qui ont exposé ces poupées étaient spécialisés à la fois dans la porcelaine et dans la confection d’habillements pour petites poupées. En 1880, apparaît la dénomination “Mignonnettes”, à l’initiative de la revue enfantine La Poupée Modèle. Elle en fera la promotion pendant près de 40 ans et c’est le nom qui a perduré depuis. C’était, en effet, de jolies poupées lilliputiennes, minuscules, facilement manipulables par des petites mains d’enfant. C’était aussi, par leur taille, des poupées idéales pour animer des maisons de poupées, comme notre villa Belle Époque de type Deauville déjà présentée, avec dans le salon deux mignonnettes prenant le thé.
Hautes de 1 à 25 cm
Nombreuses sont les variétés de ces poupées miniatures, à commencer par leur taille qui varie de 1 à 25 cm, la plupart mesurant une douzaine de centimètres, comme l’illustre la photo suivante qui montre quatre de ces poupées miniatures de notre collection.
Primitivement la tête des mignonnettes était solidaire du buste et les cheveux moulés en porcelaine émaillée. Cette mignonnette était alors similaire à la poupée dite tête-buste, fabriquée en Allemagne vers 1850 dont j’ai signalé un exemplaire personnel dans une illustration de ma notice sur les Meubles de poupées. Grâce à la malléabilité de la porcelaine, les détails du visage et de la coiffure sont d’un grand raffinement, mais la couleur de cette porcelaine est limitée du fait de la cuisson au grand feu qui détruit les pigments.
Cette mignonnette a la tête solidaire du buste, la bouche et les yeux sont peints, les cheveux sont moulés, les membres en porcelaine sont articulés aux racines, épaules et hanches, le corps est en tissu bourré. Ses vêtements sont d’origine. Elle porte un collier de perles autour du cou. À ce propos, ce n’est qu’en 1858 que l’articulation du cou sera brevetée, or cette mignonnette est probablement plus tardive. Le faible coût de ces poupées miniatures justifie vraisemblablement le fait qu’elle n’a pas bénéficié de cette amélioration technique plus onéreuse.
La finesse du biscuit
Plus tard, vers 1861, l’utilisation d’une porcelaine cuite deux fois, appelée biscuit, va donner à ces poupées une délicatesse incomparable. La fabrication se fait en deux temps. Après moulage, les deux parties sont réunies, puis séchées. Une première cuisson à très haute température est alors réalisée. Après refroidissement, les artisans procèdent à la coloration et au tracé des détails (cils, sourcils, lèvres). Un vernis satiné est ensuite appliqué et l’on passe à une deuxième cuisson à température plus basse. En 1890, le moulage par pressage sera remplacé par le moulage par coulage, de réalisation plus facile.
Les mignonnettes en détail
Pour donner plus de vérité à la physionomie, des yeux en verre soufflé sont implantés dans les orbites. Les perruques, d’abord en mohair, puis, à partir de 1900, en cheveux naturels, sont fixées sur la calotte crânienne.
Progressivement, les membres vont s’articuler grâce à des systèmes de plus en plus élaborés, en particulier à boules.
La bouche, d’abord fermée, s’ouvrira vers la fin du 19e siècle. Les yeux d’abord fixes deviennent dormeurs à la fin du siècle.
Le trousseau
Comme il est difficile de confectionner des chaussures pour ces petites tailles, les mignonnettes sont d’abord pieds nus. Par la suite, des chaussures seront peintes comme dans plusieurs exemples précédents.
Les vêtements étaient en général confectionnés par des professionnels, ce qui explique leurs finitions soignées. Certaines de ces poupées avaient même parfois des accessoires, comme ici des lorgnettes de théâtre pour cette mignonnette se préparant à aller au spectacle.
Mais comme à l’époque toutes les petites filles savaient coudre, beaucoup de ces vêtements étaient confectionnés chez soi avec l’aide de patrons que publiait la revue La Poupée modèle. En voici un exemple, animant la cuisine de notre maison de poupée :
D’origine allemande et française
Ces poupées étaient confectionnées surtout en Allemagne, mais aussi en France, tout particulièrement à Limoges. La plupart étant anonyme, certaines sont signées comme celle-ci marquée JV (Jules Verlingue, Manufacture de la Madeleine de Boulogne-sur-Mer) et habillée en Marie-Antoinette (photo ci-dessous).
Estimations : Plusieurs critères sont appréciés : la qualité du biscuit, l’aspect esthétique, la taille, l’habillage d’origine ou les perfectionnements techniques tels que les yeux mobiles ou la bouche ouverte. Comptez 50 € à 500 €.
Biblio
“Mademoiselle Mignonette”, poupée de poche, par François Theimer, Éditions Polichinelle, 2003.
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