Les motos side-car

Le dessus du panier

Moto Matarazzo de 1942 inspirée de Gély, L. 36 cm (© Photo Diego Lascano)

En en-tête, une moto attelée et ses trois personnages de fabrication argentine par Matarazzo illustre à merveille la vocation première de ce véhicule qui connut ses heures de gloire depuis l’entre-deux-guerres jusqu’aux années 1950 et l’arrivée des petites automobiles économiques.

L’invention du panier

L’idée “de transformer par l’adaptation d’un appareil à une roue toute bicyclette en un tricycle à deux personnes”, revient à Jean Bertoux, officier de l’armée française de son état, qui en déposa le brevet le 28 septembre 1892. Les premières nacelles latérales sont d’abord couplées aux vélos avant d’être adaptées sur des motocyclettes équipées de moteurs suffisamment puissants. Elles sont commercialisées dès 1902 en Grande-Bretagne et l’année suivante en France, notamment par l’entreprise René Gillet. Aux États-Unis, la structure du nouvel attelage sera améliorée et gagnera en maniabilité grâce à un système articulé. La moto side-car devient dès lors très populaire du fait de son coût bien inférieur à celui d’une automobile, mais aussi de par à sa polyvalence : transport de passager, de bagages, de matériel, de marchandises…, par les particuliers, la police ou l’armée.

Premier side-car construit par le Britannique Watsonian en 1912.

Motos-jouets attelées, l’Allemagne en pointe

L’industrie du jouet suivant de près les évolutions de son époque, l’entre-deux-guerres fut aussi une période féconde pour la fabrication de motos-jouets. L’Allemagne alors en pointe sur le segment des jouets proposa de magnifiques modèles en tôle finement lithographiée, très détaillés, avec des personnages expressifs. Dans son livre Motos-Jouets (voir Biblio), Frédéric Marchand mentionne la marque allemande Mohr & Krauss, distribuée par Moko, comme l’une des premières à avoir produit des motos side-car en tôle, avec mécanisme d’horlogerie, dès 1914.

• En Allemagne, l’originalité, la qualité et la profusion.

De nombreuses firmes d’outre-Rhin proposèrent leurs créations, comme Distler, Kiko, Gely, Huki, Kellerman… Fers de lance de la production TippCo (TCO), les motos attelées ou solo sont d’une exceptionnelle facture. Certains modèles sont des chefs-d’œuvre d’ingéniosité, tel le Silver Racer des années 1950 (réf. TCO 59).

Moto TippCo de 1936, L. 26 cm.
Gely pour transport familial au début des années 1930, L. 16 cm.
TippCo 1936, L. 13 cm.
The Silver Racer TippCo, modèle emblématique et très désirable, L. 20 cm.
Moto de la police de la route par Göso en 1952, L. 18 cm.

Ci-dessous, deux motos TippCo à mécanisme d’horlogerie.

TippCo (réf. 587), 1952, 19,5 cm.
TippCo (réf. 591), 1959, L. 19,5 cm.
Motos Huki (Hubert Keinberger), 1950, US Patent, L. 16 et 9 cm.

Les motos attelées dans le monde

Les autres industriels du jouets européens intégrèrent aussi les motos side-car à leurs catalogues. Qu’ils s’agissent de la reprise de moules allemands ou de créations originales, les motos étaient une valeur sûre pour les fabricants et des jouets très prisés des jeunes enfants rêvant de vitesse et d’évasion.

• En France, quelques modèles devenus des classiques.

— Signalons la marque Auto-Cycle qui, parmi les premiers Français, proposa deux motos attelées en alu, dont l’une avec un panier d’osier comme l’étaient les side-cars de l’époque et qui leur a valu le nom de “panier”. Au début des années 1920, les motos Auto-Cycle étaient vendues en kits à construire ou toute montées.

Les motos Auto-Cycle tout en alu ou avec un “vrai” panier d’osier, début des années 1920, L. 24 cm.

Dans les années 1930, deux fabricants de jouets en tôle commercialisèrent des modèles avec conducteur :

—  JML (Jouets Mécaniques Lyon) fit de la fabrication de motos sa spécialité. Elles sont aujourd’hui bien connues des amateurs. Elles existent en plusieurs versions et différentes tailles.

JML (réf. 0158) de 1934, L. 30 cm et la version triporteur.

SFA (Société de fabrication et d’assemblage) aux créations assez naïves et dépouillées.

SFA, moto portant sa référence sur le garde-boue, attelée d’un side-car minimaliste (L. 16,5 cm).

Après-guerre, SFA fabriqua sous son nom des motos dont les moules provenaient d’Allemagne des marques TippCo, Göso et Kellermann. Les deux motos attelées ci-dessous sont des modèles créés à Nuremberg par Kellermann à la fin des années 1930.

SFA, moto de Police, L. 10 cm.
Moto de l’armée allemande, fabrication contrainte par Kellermann en 1938, reprise par SFA, L. 10 cm.

• En Italie, les entreprises lombardes se lancèrent aussi dans la course avec succès.

Ingap (Industria Nazionale Giocattoli Automatici Padova), experte dans l’emboutissage des jouets en tôle depuis 1919, produisit des motos dans les années 1930, mais également des scooters mécaniques avec side-car et personnages en composition dans les années 1950.

Moto mécanique Ingap de 1931, L. 14 cm.
Ingap, rare moto avec side-car à mécanisme d’horlogerie, L. 19,5 cm.

— FSC (Ferrari Siro Casalpusterlengo) est une entreprise lombarde fondée en 1934 par Siro Ferrari spécialisée dans la fabrication de jouets en tôle imprimée. Ce scooter de 1948 témoigne de la qualité de la lithographie.

Rare version attelée de la Vespa Ingap, L. 16 cm
Le scooter FSC, L. 12 cm.

— Ingat (Industria nazionale giocattoli e affini Torino) est une entreprise turinoise fondée en 1947 d’où sont sortis quelques beaux jouets en tôle dont une seule moto avec side-car aujourd’hui fort recherchée.

Cet attelage est la seule moto construite par Ingat dans les années 1950, L. 21 cm.

• En Espagne, perfection et fantaisie.

— Paya s’inspira souvent de la production allemande. Toutefois, la grande firme espagnole usa de créativité et d’originalité pour constituer un plateau de beaux jouets en tôle variés et amusants. D’autres modèles ont été produits en Espagne par Rico et RSA.

Moto immatriculée à Ibi, réédition d’un modèle Paya Hermanos de 1930, L. 30 cm.

• D’Europe de l’Est sont arrivés quelques modèles de facture plus sommaire.

Pour illustrer ce chapitre, citons deux jouets, l’un venu de Leningrad sous la marque Ingra Tekhnica et l’autre de Tchécoslovaquie signée Drucow en 1950.

Moto soviétique Ingra, vers 1970, L. 22 cm.
Moto Tchécoslovaque Drucow, L. 15 cm.

• Aux USA, une production marginale.

Les États-Unis ne disputèrent pas la suprématie européenne dans le secteur des jouets en tôle lithographiée. Si ce n’est Louis Marx Toys, grand spécialiste du jouet en tôle, qui équipa notamment la police d’une Harley-Davidson side-car mécanique pétaradante…

Étincelles et système sonore anime cette Harley-Davidson de la police de New-York par Marx Toys en 1952, L. 21 cm.

• Au Japon, l’effervescence d’après-guerre

Dans l’histoire du jouet, les années 1950 marquent l’émergence du Japon qui domine le marché avec une production pléthorique de battery-toys aux fonctions multiples.

Sunbeam S8 à moteur électrique à pile dans le side, avec levier de vitesse, de fabrication japonaise par Marusan en 1960, L. 27 cm.

Estimations : Les motos anciennes sont rares en bon état et leur prix est en conséquence. La plupart d’entre elles se négocient plusieurs centaines d’euros et jusqu’à 1000 € pour les modèles les plus anciens en très bon état.

Biblio

“Motos-Jouets”, par Frédéric Marchand, Éditions L’Automobiliste, Paris 1985.

“Boom, Vroom, Zoom”, par Mick Duprat, Éditions LR Presse, 2009.

“Enciclopedia Moto Giocattolo 1890-1970” par Paolo Rampini, 1996 (en italien).

“Antiqua Motocycle Toys”, par Rich Bertoia, Schiffer Publishing Ltd. USA, 1999 (en anglais).

Martine Hermann et Giuseppe Scarani

(© Photos MH et GS ; collection G. Scarani)