Les poupées asiatiques

Impériale collection

Garçon Itchimatsu, fabrication japonaise vers 1880.

Les historiens, les archéologues et les collectionneurs le savent bien : les poupées sont parmi les tout premiers objets fabriqués par les hommes. Leurs origines remonteraient à la haute Antiquité. Ces représentations miniatures d’hommes, de femmes ou d’enfants ont évoluées simultanément à la maîtrise et à la sophistication des techniques. Leur présence est attestée sur tous les continents. Elles n’ont pas toujours été destinées aux jeux des enfants, mais servaient essentiellement aux cultes et aux croyances. En Asie, la création et la fabrication des poupées sont des activités traditionnelles très anciennes principalement au Japon, mais aussi dans maints autres pays témoignant de leur universalité.

Petites poupées en l’honneur de la cour impériale et grande poupée-jouet Itchimatsu.

Le Japon et le culte des poupées

Au Japon les poupées ont été et restent le vecteur de cultes, de croyances et de symboles. Précieuses figurines pour honorer la cour impériale alors à son apogée durant la dynastie Heian (794-1185), le pays du Soleil Levant a entretenu la tradition et célèbre depuis la fête des poupées “Hina Matsuri” chaque printemps. A cette occasion, un autel est dressé pour accueillir de somptueuses poupées à l’effigie du couple impérial, de sa famille et de son proche entourage. A l’origine réservée à la cour, cette fête est devenue une réjouissance culturelle et populaire dans tout le Japon à partir du 18e siècle. Sous le nom générique de Ningyo (“sirène” en français), les poupées se sont donc trouvées investies de multiples fonctions, porte-bonheur, talismans, fétiches, objets décoratifs… Intéressons-nous ici à celles dévolues aux jeux des enfants.

Itchimatsu, les poupées jouets

Les poupées, dites “Itchimatsu”, qui représentent des fillettes ou de jeunes garçons, sont destinées aux enfants pour jouer. Les techniques de fabrication allient souvent plusieurs matériaux, dont le papier mâché ou le gofun, une composition à base de carbonate de calcium et de poudre de coquilles d’huître.

Itchimatsu en gofun des années 1950.

Les visages sont clairs, coiffés de perruques de cheveux naturels ou en soie ou de cheveux peints, les yeux fixes sont en verre. Les corps en composition, en tissu ou en bambou bourré, sont articulés grâce à des pièces rondes en carton, parfois en tissu, ou à des élastiques, voire du fil de fer. Les trousseaux sont complets et soignés, conformes aux habits traditionnels, kimonos et amples vêtements de soie. Souvent, le théâtre est une source d’inspiration pour les fabricants de poupées qui leur donnèrent des expressions et des costumes d’acteurs célèbres.

Garçon Itchimatsu des années 1920.

Composition chinoise

Inventée en Chine, la porcelaine fut le matériau de prédilection pour la fabrication locale des poupées, sujets et statuettes depuis des temps reculés. Le théâtre traditionnel en particulier a donné leur physionomie de ses personnages aux poupées grimées et habillées de beaux vêtements, comme pour le spectacle.

Poupées chinoises en composition, corps en tissu bourré des années 1930, habits traditionnels en soie brochée d’origine.

D’autres matériaux, tels le bois, le tissu et surtout la composition, ont été utilisés pour la production des poupées jouets. Au cours du 20e siècle, la Chine a produit de nombreux exemplaires de poupées très colorées en composition.

Poupée chinoise de caractère, fin des années 1950, H. 25 cm.

Ailleurs en Asie

Si le Japon et la Chine ont beaucoup exporté leurs modèles de poupées, l’artisanat et l’industrie d’autres pays asiatiques ont eu aussi leur propre production, ainsi le Vietnam, le Tibet, Taïwan ou Hong Kong. Souvent dépourvus de marques, ces modèles sont difficiles à différencier des créations chinoises. Les techniques de fabrication et les panoplies étant très similaires.

Poupée et son bébé, têtes et membres en composition, corps en tissus bourré, fabriquée à Hong Kong vers 1950.

Poupées exotiques en Europe

Les manufactures européennes, allemandes et françaises surtout, ont rapidement introduit des poupées de type asiatique à leurs catalogues.

  • En Allemagne, Schmidt (moule 500), Simon & Halbig (moules 1179 et 1329) et Armand Marseille donnèrent de beaux modèles à tête en porcelaine ou en composition.
Armand Marseille, modèle “Ellar”, tête en porcelaine et corps en composition, années 1930.
  • En France, citons Jumeau et Bru pour les créations en porcelaine. Ensuite, Petitcollin commercialisa un superbe bébé en celluloïd aux yeux bridés, dit “Asiati”, qui fut fabriqué avec succès de 1930 au milieu des années 1950. La société Urika proposa en 1948 une “Taï-Taï Princesse” en celluloïd et tissu. Plus récemment, Corolle a également commercialisé des poupées de type asiatique dans les séries “les Chéries” et “Poupées du monde”.
Asiati”, le beau bébé en celluloïd signé Petitcollin en 1930.
  • La marque italienne Lenci a imaginé un exceptionnel “Fumeur d’opium” tout en feutrine.
Fumeur d’opium” en feutrine avec sa pipe, création de la marque italienne Lenci.

Estimation : Les poupées asiatiques anciennes sont rares et fragiles, qu’il s’agisse du gofun, matériau fin et délicat, des cheveux et des vêtements en soie. Leur prix varie en fonction de l’état, de plusieurs centaines d’euros jusqu’à 1000 € pour un bel exemplaire. Compter 200 à 350 € pour modèle en celluloïd Petitcollin ou Urika en bon état.

Martine Hermann

Musée

Le Musée des jouets de Bâle (Suisse) présente une superbe collection de poupées asiatiques en exposition permanente.
Spielzeug Welten Museum, Steinenvorstadt 1, CH-4051 Bâle.