Le style Gottschalk
Dans un précédent article j’avais décrit une maison de poupée que j’avais identifiée comme étant d’origine allemande, fabriquée par la maison Moritz Gottschalk. Il s’agissait d’une maison de grande taille (H. 1 m 20) et à ce propos j’avais signalé qu’il y avait des modèles plus petits. C’est une de ces petites maisons que je présente ici.
Moritz Gottschalk, une entreprise familiale
Avant d’aller plus loin, j’aimerais préciser ce qu’a été pendant cent ans cette importante fabrique de jouets. C’est à partir de 1873, que Moritz Gottschalk, né en 1840, fondateur en 1866 d’un magasin de reliure dans la petite ville de Marienberg dans les Monts Métallifères en Allemagne, créé une fabrique de maisons de poupées et de jouets divers en particulier militaires. Il va très vite exporter vers l’Angleterre, la France, les Pays-Bas, la Scandinavie et l’Amérique. Ses maisons de poupées, construites en bois, seront rapidement mondialement connues.
En 1905, Moritz Gottschalk meurt, mais l’entreprise reste familiale, maintenue d’abord par l’un de ses fils, puis par sa veuve et son nouveau mari, enfin par son fils. Pendant les deux guerres mondiales, la production s’arrête. Après la Seconde Guerre mondiale, bien que ce fabricant de jouets se soit retrouvé dans la zone orientale de l’Allemagne occupée, la société Moritz Gottschalk reprend, dès 1947, la fabrication des maisons de poupées. La fin survient en 1972, lorsque toutes les entreprises encore privées de la République démocratique allemande sont dépossédées et nationalisées. L’entreprise allait fêter son centenaire.
Décoration d’intérieur réaliste et soignée
Le style des maisons signées Gottschalk varie avec les pays et les époques, ainsi le grand modèle que j’avais présenté était de style Deauville typique français, du début du siècle dernier. L’inventivité des décorateurs était sans limite, ces maisons sont en effet abondamment décorées, parfois même luxueuses comme celle que j’ai déjà décrite avec ascenseur à poupées et lumière électrique. Ces maisons miniatures sont en général peintes avec l’intérieur décoré de papier lithographié imitant le papier peint, les fenêtres sont fermées en façade par du verre ou un transparent celluloïd mais uniquement peintes sur les côtés, en revanche les portes intérieures ou extérieures ont un battant qui s’ouvre avec des petites poignées en étain. Parfois les murs extérieurs, au lieu d’être peints, sont recouverts de papier imitant la pierre ou la brique.
Une petite maison au toit rouge
La petite maison que nous présentons ici est en bois et mesure 45 cm de hauteur. Elle a un toit de couleur rouge à la différence de la maison décrite précédemment qui avait un toit bleu, sachant que la couleur bleue des toits a été remplacée par le rouge après 1910.
Elle est peinte en jaune et non recouverte d’un papier lithographié collé. Les fenêtres de la façade sont fermées par une vitre transparente, leur entourage est peint en vert. La porte d’entrée, peinte en vert, s’ouvre grâce à des petites charnières en laiton et se ferme à l’aide d’un loquet moulé en étain. En encorbellement au-dessus de la porte d’entrée, on remarque un oriel avec une double fenêtre et un décor de guirlande, ce qui donne à cette maison une allure germanique. Sur les côtés, les fenêtres aveugles sont simplement peintes. La façade est précédée d’une étroite terrasse munie d’une balustrade ornée de sortes de pommes de pin et ouverte au milieu pour donner accès à un escalier qui a disparu (ce qui est fréquent) et dont l’empreinte demeure avec la trace de deux petits clous. La maison repose sur un support mesurant 5 cm de haut.
Une demeure début de siècle
La façade s’ouvre en un seul battant. À l’intérieur, la maison a un rez-de-chaussée et un étage, lesquels sont desservis par un petit ascenseur logé dans une cage et hissé par un treuil à manivelle auquel on accède par un volet extérieur placé sur le côté gauche. L’intérieur est orné d’un papier lithographié, en parfait état, imitant le papier peint, dont les motifs sont différents selon les pièces. Le style est très début de siècle. Le revêtement du sol imite un parquet de style en bois. Un décor en papier figurant tentures, miroir, tableaux, est collé aux murs. Chaque étage communique avec le palier de l’ascenseur par une porte ouvrante avec une poignée en étain moulé. Les fenêtres en façade sont garnies de voilages ou de rideau en dentelle, apparemment d’origine.
Quand j’ai fait l’acquisition de cette maison de poupée, celle-ci était vide. Pourtant, l’entreprise Gottschalk fabriquait des petits meubles, tables, chaises, lit…Il n’en restait rien. Cependant dans l’autre maison de poupée acquise lors de la même vente et que j’ai présentée dans le passé, il restait encore, comme vestiges, trois petits meubles d’origine dont voici la photographie (ci-dessus), ce qui permet de se faire une idée de leur style au début du XXe siècle. J’ai donc agrémenté la maison par des découpages de décors de théâtre de même époque, édités par Pellerin et l’imagerie d’Épinal.
Estimations : des maisons Gottschalk de cette taille se trouvent aux environs de 1200 à 1500 €. Rappelons qu’un exemplaire de la maison de 120 cm de hauteur, présentée précédemment, s’est vendue 5000 €.
Biblio
Le génie de Moritz Gottschalk, par Evelyn Ackermann, Gold Horse Publishing, 1994.
Moritz Gottschalk 1892 – 1931, par Jürgen Cieslik et Marianne Cieslik. Série de réimpression de catalogues, Gold Horse Publishing, 2000.
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