Deux jouets de compétition
Dans les années 20 et 30, les courses automobiles vont être un stimulant pour l’industrie automobile naissante qui cherche, en France, à s’affirmer face à l’industrie allemande, et un argument à la réalisation de jouets, destinés aux enfants mais aussi aux papas qui seront tentés d’acheter les automobiles dont les jouets sont la reproduction fidèle. L’autodrome de Montlhéry (91) qui vient d’être construit, en 1924, sera utilisé par la plupart des grands constructeurs comme vitrine de leur savoir-faire et théâtre de leurs affrontements. Les deux grandes marques françaises de l’époque, Citroën et Renault, vont chercher à démontrer leur supériorité en matière de vitesse pure mais aussi en endurance. La compétition va durer de 1925 à 1937. C’est Renault qui, en 1926, ouvre le bal avec la Renault 40 CV des Records. Citroën prend momentanément la relève, en 1931, avec la Rosalie 1 des Records relayée, en 1934, par la Renault Nervasport des Records. Ces deux célèbres automobiles de compétition vont être l’objet de la création de jouets.
La Rosalie des records
La Citroën Rosalie est célèbre pour avoir établi de nombreux records d’endurance et de vitesse sur l’anneau de Montlhéry entre 1931 et 1936. Très médiatisée, elle sera reproduite sous de nombreuses formes, la plus spectaculaire étant la Rosalie V. C’est à l’initiative des huiles Yacco que cette aventure démarre avec la Rosalie I puis la Rosalie II qui, parcourant, du 5 mars au 29 avril 1932, 134 866 km, à une vitesse moyenne de 104,331 km/h, bat 50 records du monde et 81 records internationaux. André Citroën comprend rapidement que le jouet peut être un des vecteurs de promotion, ne dit-il pas que les premiers mots des enfants des années 20 doivent être « Papa, maman et Citroën » ? Il s’adresse à Fernand Migault, le dirigeant d’une modeste usine de jouets à Briare (42), qui avait créé en 1922 une auto- jouet représentant une Citroën B2 à l’échelle 1/10e qui avait intéressé André Citroën.
Partenariat Citroën-CIJ
En 1930, Fernand Migault venait de créer avec son cousin, Marcel Gourdet, la Compagnie Industrielle du Jouet. Un accord d’exclusivité est passé entre Citroën et CIJ en vue de reproduire des répliques exactes des voitures Citroën, à l’aide des plans fournis par le constructeur automobile. C’est la Rosalie IV, dite “Petite Rosalie”, héroïne d’un raid non-stop de 300 000 km à plus de 93 km/h, qui est choisie pour modèle. De nombreux jouets sortiront des usines de Briare jusqu’en 1934. Au-delà de cette date, la fabrication sera reprise par l’entreprise JRD. À partir de 1933, une multitude de jouets vont être créés à l’échelle 1/43e. Ils sont soit en celluloïd, soit en plâtre et farine, soit en métal moulé déclinés en de nombreux coloris.
À l’échelle 1/15e, sera reproduite la Rosalie V mesurant 43 cm, c’était le jouet de mon enfance. Elle était d’une grande élégance aérodynamique, en tôle peinte, le corps du pilote était moulé dans la carrosserie et sa tête en plomb pouvait pivoter. Le moteur se remontait à l’aide d’une clé, les roues avant étaient directionnelles grâce à un système à cran.
Le succès de la “Petite Rosalie”
Mais le modèle le plus répandu est, comme prévu, la “Petite Rosalie”. Elle est en tôle peinte en divers coloris, bleu clair, jaune ou beige.
La carrosserie est en deux parties, solidarisées par des agrafes. Le corps du conducteur est moulé dans la carrosserie dans un cockpit de couleur marron, la tête est mobile. Les roues avant sont orientables dans une fente crantée et sont équipées de pneus en caoutchouc. Au dos du jouet on note deux étiquettes, l’une derrière le conducteur, marquée « Citroën », l’autre, en biais à l’arrière du fuselage, marquée « Petite Rosalie ». À l’intérieur du jouet, une étiquette octogonale de couleur rouge, légèrement déchirée, marquée « Les jouets Citroën » avec les chevrons de la marque et une empreinte emboutie « Les jouets Citroën marque déposée ». La calandre est marquée des célèbres chevrons.
La Nervasport des records
Déjà, en 1926, Renault s’était lancé dans la compétition avec un premier modèle, la 40 CV et son énorme moteur. En 1934, probablement stimulé par les exploits de la Rosalie du grand rival Citroën, la Régie va développer une nouvelle voiture de record sur la base de la Renault Nervasport. L’auto est un coupé monoplace très étroit, soigneusement caréné et dont l’arrière se resserre pour former une dérive stabilisatrice. À l’avant, quatre gros phares destinés à compenser le faible éclairage de la piste de Montlhéry. Du 3 au 5 avril 1934, la Nervasport bat le record du monde des 48 heures dans la catégorie « 3 à 5 litres », en parcourant 8037,31 km à la moyenne de 167,445 km/h, et, par la même occasion, les records des 4000 et 5000 miles.
Nouvelle alliance Renault – CIJ
Comme il se trouve qu’en 1934, Citroën connaissant de graves difficultés financières, la CIJ cesse la fourniture des Jouets Citroën à son client devenu insolvable. CIJ se tourne alors vers Louis Renault qui, trop content de copier le concept de son grand concurrent, accepte la proposition de prendre la relève. Ainsi naissent, en 1934, les Jouets Renault.
Sous la dénomination Nervasport de Montlhéry, la voiture est reproduite en tôle au 1/10e et au 1/20e, et en “plâtre et farine” au 1/43e. Le modèle que nous présentons ici est en tôle, né en 1935.
C’est la version à 1/10e, longue de 35cm, avec capot à quatre ouïes d’aération peintes au pochoir. Elle est monobloc, sans plancher et de couleur jaune. Son allure très aérodynamique, en forme de long cigare pincé à l’arrière, n’est pas sans évoquer un avion. Ce n’est pas étonnant, son concepteur n’étant autre que le père des avions Caudron. Les quatre phares avant et les portes sont simplement figurés par des traits de peinture noire. Les portes ne s’ouvrent pas. Elle est dépourvue de conducteur. Très robuste, elle a été usinée par de puissantes presses avec le souci de réaliser un jouet solide et bon marché.
Une conception simple et robuste
Le moteur est un simple ressort à boudin. Elle est marquée à l’arrière par deux étiquettes : “Nervasport” à gauche, “Renault” à droite. Par analogie avec la Rosalie des Records, ce sont les collectionneurs qui changeront le nom de Nervasport de Montlhéry par celui de Nervasport des Records.
Un modèle plus riche, en tôle, à l’échelle 1/10e, long de 35 cm, avec moteur mécanique, phares réels et non symbolisés, avec porte gauche ouvrante et un pilote amovible mais cul de jatte pour faciliter son introduction dans le cockpit, recherché des collectionneurs, a été fabriqué en 1935.
Estimation : Comptez 400 à 450 € pour l’achat de ces autos en bon état.
Biblio
“Les Jouets Renault”, par Mick Duprat, Éditions Rétroviseur, Paris 1994.
“Histoire des Jouets Citroën”, par Paul Weill et Jean-Raoul Chaigné, Éditions Adepte, Paris 1981.
“Encyclopédie des jouets et miniatures Citroën”, par Marc Hermans et Fabien Sabatès, Éditions Rétroviseur, Paris 1995.
Collectionneur de jouets anciens