Une imprimerie rotative

Pour typographe lettré

La Révolution industrielle de la deuxième moitié du 19e siècle a eu pour conséquence la création de très nombreux jouets qui ne sont pas seulement des amusettes plus ou moins ingénieuses pour distraire les enfants mais aussi de jolis modèles réduits de machines complexes, nouveautés de l’époque : petites machines à vapeur, petits moteurs électriques ou appareils de cinéma. Ainsi, les enfants s’initiaient-ils aux découvertes scientifiques et même, comme nous l’avons vu pour le fameux Meccano, pouvaient se découvrir une vocation d’ingénieur. La petite imprimerie rotative présentée ici en est un exemple caractéristique. Cette machine fonctionnait réellement et était capable de réaliser un excellent travail d’imprimerie tout en s’amusant.

KB pour Eureka

Ce jouet a été fabriqué vers 1908 par l’entreprise Kratz-Boussac, sous la marque Eureka. Il était commercialisé par La Samaritaine, on le trouve dans son catalogue de Noël de 1909 au prix de 25 francs. On pouvait aussi l’acheter dans les établissements Kratz-Boussac au 14, rue Martel, à Paris.

Extrait du catalogue La Samaritaine 1909.

Ce jouet était vendu en coffret de couleur bleue, s’ouvrant par en haut et en avant, avec sur le couvercle la mention « Imprimerie rotative », la marque Eureka Breveté SGDG et le logo KB Paris. L’intérieur est garni d’un papier bleu. La rotative est en bronze et acier, très lourde, solide mais facile à manœuvrer, de chaque côté un encrier et divers accessoires, dont un châssis pour disposer les lettres à imprimer et une boîte de lettres en caoutchouc. On note une brosse pour nettoyer le surplus d’encre sur les lettres ou la casse, un double décimètre, du papier… Naturellement, du fait de l’âge, on note quelques manques, par exemple un seul encrier au lieu de deux, des lettres manquantes, il y en avait à l’origine 250.

Le coffret bien fourni de l’imprimerie rotative 41 x 28 x 17 cm.

Modèle réduit mais fonctionnel

L’imprimerie rotative est solidement fixée sur un socle en bois qui se glisse dans des rainures du coffret, assurant sa stabilité dans les transports. Les dimensions du coffret sont 41 x 28 x 17 cm, celles de l’imprimerie sont 23 x 19 x 14 cm. Celle-ci pèse 1 kg 260. La composition typographique se fait au moyen de caractères mobiles en caoutchouc. Il suffit de faire tourner le volant pour voir s’accomplir automatiquement par le jeu de leviers excentriques toutes les opérations de l’imprimerie, le rouleau encreur vient prendre de l’encre sur un plateau spécial, il en enduit le châssis où est serrée la composition, puis celui-ci vient s’appliquer sur le papier où doit se faire l’impression. Celle-ci terminée, le papier est chassé automatiquement comme dans les grandes machines perfectionnées.

Une véritable imprimerie en miniature.

“Les inventions nouvelles”

Ce jouet était donc fabriqué par l’entreprise Kratz-Boussac. Rappelons que celle-ci a été fondée par un Allemand, Henri Guillaume Othon Kratz (1859-1940) en 1883, sous le nom de société Les Inventions nouvelles. La marque figure à l’envers du support du châssis : Imprimerie Rotative- K.B- Ets SGDG Paris.

Le socle porte le monogramme KB du fabricant.

Après son mariage avec Marie Boussac (1863-1884), Henri Kratz adjoint à son patronyme le nom de sa femme, renforçant ainsi son identité française confirmée, en 1900, par un décret de naturalisation. En 1904, Kratz-Boussac déménage son usine sur des terrains situés à Pont-Saint-Pierre et à Douville-sur-Andelle dans l’Eure, les bureaux restant à Paris, 14, rue Martel, dans le dixième arrondissement. La société Les Inventions nouvelles accroît et diversifie ses activités entre les deux guerres. Les produits de la marque Eureka : le Diabolo, le Tir aux pigeons, les voitures à pédales, connaissent un grand succès. Henri Kratz décède le 31 mai 1940. Son gendre, Albert Guérin, lui succède à la tête de l’entreprise qui, après divers aléas, cessera définitivement ses activités en 1983.

Les usines Kratz dans l’Eure en 1900.

Estimation : Ce jouet est rare. A titre indicatif, le jouet présenté ici a été acheté 100 € en 2006.

Biblio

Cette imprimerie rotative est représentée dans le catalogue étrennes À la Samaritaine de 1909.

Claude Lamboley

Collectionneur de jouets anciens