Frédéric Marchand

Devanture de la boutique de Frédéric Marchand au 6 rue Montfaucon à Paris.

Tout collectionneur de jouets anciens connaît Frédéric Marchand qui, par ses écrits, a abondamment documenté le sujet. Et puis, on l’a vu dans les grands salons, les bourses, les salles des ventes… Mais c’est surtout dans son fief de la rue Monfaucon, où ce Parisien à la gouaille authentique tient boutique, que les visiteurs découvriront un univers insolite doublé d’un édifice d’objets défiant les lois de la gravité. Avec une amicale disponibilité il partage ses connaissances et ses anecdotes récoltées durant ses multiples vies et conservées toutes fraîches dans sa remarquable mémoire. Si vous passez par Paris, ne manquez pas l’étape….
Rencontre.

Comment avez vous fait connaissance avec les jouets ?

Tout petit j’avais une adoration pour les joujoux. Je me racontais des histoires qui me permettaient de m’évader mais, mon père me les interdisait car il pensait que je perdais mon temps à jouer ! Plus tard, quand la majorité des copains choisissaient les autos moi, c’était les motos. Je me suis payé ma “mob” dès mes 15 ans et mon permis en poche j’achetais ma première BSA 650, puis ce fut la 4 pots 750 Honda qui m’ont permis de traverser l’Europe mais aussi l’Asie et l’Afrique du Nord jusqu’en Égypte. Que de beaux voyages !

Toutefois, n’ayant pas de sous, j’arpentais les casses motos pour les pièces détachées et en particulier celles de St-Ouen sur le “Périph”. C’est là que j’ai acheté par hasard, ma première moto-jouet chez un Biffin pour 5 francs sur le trottoir. Rentré chez moi, je la nettoyais, c’était une Tipp&Co en tôle litho.

Et la collection ?

J’ai  vraiment commencé à acheter des motos-jouets vers 1975. A l’époque, il n’y avait ni salon, ni marchands spécialisés et les motos-jouets étaient difficiles à trouver car les Français sont moins portés sur la moto que les Anglais ou les Allemands. L’âge d’or n’est revenu qu’à la renaissance du Bol d’Or et l’arrivée des motos japonaises sur le marché. Quand au marché du jouet ancien, il se partageait par quelques initiés et n’émergea qu’à partir des années 1975-80. A cette période j’avais déjà 150 pièces. Je ramassais tous les modèles en tôle dont principalement des jouets japonais qui n’étaient pas trop chers car considérés comme trop récents pour les collectionneurs.

J’en trouvais très peu et c’est ainsi qu’un marchand des Puces de Montreuil me montra les multiples autres domaines du jouet ancien : les bateaux, les avions, les voitures, les automates… Puis, il me proposa un lot de Jouets Martin à 1000 francs pièce, une somme considérable pour moi. J’ai découvert le Coiffeur, la Casseuse d’assiettes, l’Ours des rues…Nettoyés et remis en état, je suis tombé amoureux de ses merveilles de petits automates. Le virus était pris, j’en ai revendu une partie pour payer ma dette et j’ai pu acheter 2 motos automates : une CKO avec deux personnages et la fameuse Mac 700 avec le motard qui monte et descend de sa moto tout seul. Deux merveilles !

J’ai pu rencontrer deux grands collectionneurs de motos-jouets qui présentaient leur collection : François Lopez et Jacques Milet, organisateurs de la première exposition de leurs motos à Noisy-le-Sec (93).

Puis vous avez écrit des livres…

Au départ j’ai croisé un ancien élève de l’École des arts appliqués qui collectionnait les jouets et qui, voyant ma collection, me proposa de réaliser un livre sur le sujet. Ce fut l’occasion de faire de nouvelles connaissances, de découvrir d’autres modèles et d’entamer des recherches sur les marques de fabrique et leur production. Trois périodes se détachaient : avant 1914 pour la production française, 1914 à 1945 pour la production allemande et après 1945 pour la japonaise.

Il a fallu tout apprendre du monde de l’édition : les prises de vue, les textes, la réalisation de la maquette, enfin la photo-gravure et l’impression. C’était formidable car je découvrais cet univers de l’imprimerie et tous les corps de métiers qui en font partie. C’est à cette période que je suis parti à l’armée, à Libourne, ayant terminé mes études de médecine.

A cette période aussi, j’ai reçu un coup de fil d’Adrien Meaght qui ouvrait un musée de l’automobile à Mougins (06) et désirait me voir à propos du livre. Rendez vous à Paris rue du Bac avec toute ma doc ou en 5 minutes il me donne rendez vous à l’imprimerie le lendemain pour éditer l’ouvrage. Durant cette réalisation j’en ai profité pour soutenir ma thèse de doctorat en médecine.

Comment mène t-on de front la médecine, l’écriture, la collection… ?

A ce moment, il a fallu que je me décide. Adrien Meaght, qui était enchanté de la réalisation des « Motos-Jouets », me demanda d’en faire un autre sur le sujet et ce fut « L’histoire des Jouets Martin ». Beaucoup pensaient qu’il n’y aurait pas de public pour ce livre, mais ce fut le contraire et il eut un franc succès. C’est alors qu’Adrien me demanda de réaliser un volume sur les avions jouets. Ce sujet n’avait jamais été abordé. J’ai accepté et décidé de ne me consacrer qu’à ma passion : le jouet ancien.

J’ai ouvert boutique, continué à réaliser des livres et j’ai accepté de devenir expert en ventes publiques, mais aussi dans le cadre de partages et de successions en devenant expert près du conseil des ventes volontaire puis expert près la Cour d’appel de Paris.

Vous entrez donc dans l’univers aéronautique…

Dans ce domaine, nombreux sont les jouets faisant référence à de vrais avions, il fallait donc connaitre l’histoire de l’aviation dans son ensemble. Adrien Maeght était décidé à mettre tous les moyens nécessaires pour réaliser un beau livre et, en outre, m’a laissé toute latitude pour exprimer ma créativité. Le premier tome « Avions-jouets des origines à 1945 », un gros ouvrage sorti en 1991, coûtait 600 francs et, malgré son prix élevé, fut épuisé en deux ans.

La conception du second tome fut plus longue et, lorsqu’il fut prêt, Adrien Maeght est tombé malade et ne put le réaliser. Le livre est tout de même parut en 2004 sous un autre format, « Avions-jouets 1945 – 1970 » aux Editions Langlaude. Entre temps j’ai réalisé un livre sur le jouet pour la compagnie Air France intitulé « Jeux et jouets du ciel, patrimoine Air France », publié aux éditions du Cherche Midi et tiré à 14000 exemplaires.

Parallèlement, vous tenez boutique à Paris ?

Tout à fait. En 1985 j’ai ouvert la boutique pour vivre pleinement ma passion. Ceci m’a permis de vendre du matériel plus haut de gamme sans être milliardaire. J’ai ainsi vécu de mes trouvailles et participé à l’initiation de bon nombre de collectionneurs, leur faisant partager ma passion et l’immense univers que représente le jouet.

Et aujourd’hui ?

A présent, le marché des jouets anciens s’est tari. Beaucoup de gens qui y sont acteurs ne sont pas professionnels. Mais je collectionne toujours les motos, les avions, las bateaux … J’ai gardé ma collection motos ! C’est la qualité, le coté novateur de l’objet, la vocation éducative du jouet qui m’intéresse, mais pas  forcement son prix.

Côté édition, j’ai deux projets : une encyclopédie des motos -jouets et une version réactualisée des Avions-jouets des origines à nos jours. Ils sont terminés et en attente d’être publiés.

Aujourd’hui le marché du jouet s’est transformé, beaucoup de marchands ont disparu et on trouve moins de nos merveilleux joujoux. Mais le jouet a acquis ses lettres de noblesse et l’on en trouve dans tous les musées du monde aujourd’hui, il est universel et le restera.

Biblio

Motos-jouets, L’Automobiliste, Maeght éditeur, 1984.

L’histoire des jouets Martin, L’Automobiliste, Maeght éditeur, 1987.

Avions-jouets des origines à 1945, Maeght éditeur, 1991.

Les jouets, revue Antiquités et objets d’art, Editions Fabri, 1991.

Jazz, manies et collections, Editions Arfon, Toulouse 1997.

Avions-jouets 1945-1970, Editions Langlaude, 2004.

Jeux et jouets du ciel, patrimoine Air France, Cherche-Midi éditeur, 2002.

Maquettes du ciel, musée Air France, Editions Divinessence, 2011.

Radiguet et fils, Editions Divinessence, 2016.

• Adresse

Frédéric Marchand, 6 rue Montfaucon, 75006 Paris, Tél. 06 07 64 23 81.

Propos recueillis par Martine Hermann