Les passe-temps

De tout temps enfants et adultes ont éprouvé le besoin de meubler leur temps de loisir par une activité distrayante ou studieuse. Avant la télévision et les tablettes numériques, les jeux de société étaient les passe-temps favoris. Nous en avons décrit plusieurs dans nos notices (Voir Les jeux de l’oie, certains jeux éducatifs, une boîte de jeux d’époque romantique), mais il s’agissait de jeux de plateau autour duquel les joueurs se plaçaient.

Jeux de poche

Notre propos sera de décrire ces casse-tête de petite taille, moins de 20 cm, qu’on pouvait mettre dans sa poche pour se distraire dans les moindres occasions. Ces passe-temps ont toujours existé. Sans remonter au IIIe siècle avant notre ère, où le stomachion, sorte de puzzle, apparait chez les Grecs, ou au XVIe siècle avec le baguenaudier, ces petits casse-tête deviennent une distraction appréciée dès le début du XIXe siècle. Nous en possédons plusieurs qui datent de cette époque. Ce sont des petits cartons imprimés dépourvus de toute illustration, protégés dans des étuis. Ils s’apparentent aux jeux divinatoires. En voici quelques exemples :

• « Moyen de connaitre l’âge d’une personne » qui date de la Restauration, vers 1820. L’étui de couleur bleu a été imprimé chez Hedde, libraire à Paris, au 55 rue Saint-Germain-l’Auxerrois. Dans l’étui on trouve 7 cartons avec des chiffres. L’astuce est de présenter ces cartons à quelqu’un qui désigne ceux où figure son âge, puis d’additionner le premier chiffre de chacun de ces cartons, cela donne l’âge. Par quel artifice ? Mystère mathématique…

Jeu de 7 cartons dans leur étui, 90 x 60 mm.

Je possède aussi de la même époque « Le secret de trouver le Nom d’un monsieur », le « Jeu de l’Amour » ou le « Casse-tête-Énigmes chinoises ».


• « Casse-tête Énigmes chinoises », appelé tangram, est un jeu très ancien d’origine chinoise, très à la mode sous la Restauration, époque où il suscita un véritable engouement. Rappelons que le principe est d’agencer convenablement 7 morceaux de bois fin et précieux de forme géométrique (triangle, carré, trapèze) pour donner naissance à une multitude de figures pré-établies dessinées dans des petits livrets. Notre exemplaire date de 1830 et était vendu “chez l’Auteur, Quai de la Mégisserie, N°34” et imprimé chez Blocquel à Lille. Il est complet avec son livret.

Tangram, 170 x 110 mm.

• Une charade sous forme d’un rébus sur un feuillet de papier vergé filigrané avec des dessins gravés aquarellés. Ces devinettes, qui consistent à trouver une phrase complète ou un mot à partir d’une ou plusieurs images, sont très anciennes, la preuve en est dans les armoiries parlantes. Naturellement, je laisse le soin au lecteur de cette notice de le déchiffrer.

Ce feuillet à découper mesure 80 x 80 mm.

Les Nouveaux jeux réunis

L’âge d’or de ces passe-temps se situe entre l’Exposition universelle de 1878 et la Première Guerre mondiale. De nombreux éditeurs français en ont produits dans leurs ateliers de la capitale : Watilliaux actif de 1874 à 1907, Mauclair & Dacier (1891-1904), Nicolas & Keller (1900-1925), Simonin-Cuny (1894-1904) ou Ravenaz & Tabernat (1895-1915). Ils ont monopolisé cette production. Ces petits jeux étaient la plupart du temps ajoutés dans des coffrets de jeux classiques sous la dénomination « Nouveaux Jeux réunis » dans lesquels on trouvait parmi d’autres des petits casse-têtes. En voici un édité par MD, on y trouve « L’embarras du charpentier », « Les baguettes magiques », etc.

Nouveaux jeux réunis, 270 x 170 mm.

Sinon ils étaient vendus dans des coffrets en bois de tailles diverses dont le couvercle était pyrogravé comme celui présenté ci-dessous. Ces coffrets étaient proposés dans les catalogues de Noël des Grands magasins de l’époque comme ici à La Samaritaine, en 1909, aux prix de 2,25 à 10,75 F, selon le nombre de jeux.

Coffret en bois de jeux assortis.
La Samaritaine, 1909.

De différentes catégories

Ces petits passe-temps sont innombrables, nous n’en décrirons que quelques-uns de notre collection. On peut en distinguer plusieurs catégories selon leur principe ludique.

Les jeux d’adresse comme :

• « Le Nègre vorace », boîte vitrée de 10x10mm avec couvercle décoré, imprimé par MD (Mauclair & Dacier) déposé 5.945. Le mode d’emploi est au revers du couvercle : pour résoudre la Question il faut introduire les quatre billes dans le trou placé au milieu de la bouche du « Nègre ».

Un jeu de billes signé MD.

• « Les Quatre capricieuses », “Nouveau jeu d’Adresse et d’Équilibre”, une boîte vitrée signée SC (Simonin-Cuny). Il s’agit d’introduire les quatre billes dans le trou pratiqué au milieu de la boîte.

Boîte vitrée, 70 x 70 mm.

• « La Question de l’Artilleur », de l’éditeur MD, reprend la présentation traditionnelle de ces petits casse-têtes sous le terme de “Question”. Il s’agit d’introduire l’obus dans le mortier.

Une boîte  sous verre, lithographiée de 75 x 60 mm.

• « Les Anneaux récalcitrants », boite vitrée avec un clou et deux anneaux de métal qu’il faut mettre en place dans le clou. L’éditeur est inconnu. Probablement MD.

Deux anneaux et un clou dans une boîte, 70 x 70 mm.

— Les casse-têtes en fil de fer
Il s’agit de boîtes de jeux de patience constitués de deux structures en fil de fer imbriquées l’une dans l’autre qu’il s’agit de séparer. Les noms de ces jeux sont tous plus curieux les uns que les autres faisant allusion à ce que sont censés représenter ces assemblages en fil de fer. En voici quelques exemples.

•  « L’Étoile du berger », boîte éditée par MD. Pour résoudre cette question, il faut tenir la petite étoile de la main gauche et maintenir l’anneau, puis en trois mouvements faire glisser le pendant de l’étoile, soit du côté droit soit du côté gauche et replier les deux parties du pendant, après lâcher l’anneau qui suivra les contours et sortira sans encombre.

Un jeu qui donne du fil à retordre, boîte de 135 x 75 mm.

• « La Question du divorce », une boîte de 105 x 45 mm éditée par JFJ (Les Jeux et Jouets Français issu en 1904 de l’association de Simonin-Cuny, Wogue et Lévy, Perret et Delahaye).

• « La Croix de Lorraine », une boîte de 113 x 50 mm, éditée par MD.

Deux petits jeux de poche.

— Les problèmes de tactique sont très nombreux. En voici quelques uns :

• « Arrêtez le voleur », dans une boîte dont le couvercle est chromolithographié (voir photo d’en-tête). C’est un jeu amusant en 6 parties à installer de 1 à 45 avec des personnages en carton représentant des gendarmes et des voleurs ainsi que 2 dés.

Jeu du gendarme et du voleur, un grand classique, 150 x 120 mm.

« La Prise de la Bastille » : Une boîte au couvercle illustré contenant un damier original et des pions. Édité par MD.

Une boîte soigneusement illustrée, 115 x 115 mm.

• « Il faut des époux assortis », boîte avec couvercle illustré et un jeu de cartes illustrées édité par MD.

Jeu de cartes, 70 x 100 mm.

Citons aussi le Jeu de l’Éden, le Jeu des sauterelles, le Jeu de la chasse au loup ou le Jeu de l’araignée. Et bien d’autres…

— Les casse-têtes intellectuels, qui nécessitent une certaine réflexion et un peu d’astuce.

• « Le jeu des mulets rigolos », où l’un court trop vite, l’autre ne veut pas avancer. Il s’agit quand même de les faire marcher ; placer les jockeys en conséquence. Éditeur Paris. Copie du jeu « Fend l’air et Pégase » de MD.

Boîte chromolithographiée de 102 x 70 mm.

• « Un sage dans les nuages », on voit parfois dans les nuages, au moment du coucher du soleil, des châteaux, des tours, des géants, etc. Vous trouverez dans les quatre nuages ci-joints, en les réunissant convenablement, le portrait du sage Socrate. Éditée par MD.

Socrate dans une enveloppe de 70 x 40 mm.

• « Les Quatre vagabonds », Question nouvelle. Ces quatre chemineaux sont certainement de la même famille. En les réunissant, on arrive à faire un seul personnage. Marque JFJ.

Enveloppe de 70 x 40 mm.

Les jeux de prédiction et de devination
Nous avons vu que ce genre de jeux était à la mode sous la Restauration. Voici quelques jeux fin de siècle dans la même veine :

• « Le jeu des triangles », une boîte contenant 3 tétraèdres aux faces numérotées et une feuille volante avec 999 prédictions, MD éditeur.

Une boîte de 100 x 80 mm.

• « Le livre du Destin », jeu de tarot de la fin du XIXe siècle édité par Chartier-Marteau & Boudin et imprimé par BP Grimaud, Paris, composé de 32 cartes + 1 consultant carte blanche. Chaque carte est imprimée de gravures uniques colorées à la main de personnages en costume d’époque, avec un encart de carte à jouer traditionnelle en haut à gauche et un texte de titre en anglais et en français. Livret explicatif en français.

Célèbre jeu divinatoire BP Grimaud.

— Les amusettes dont le but essentiel est de distraire.

• « Le dernier mot de la photographie » : Boîte au couvercle illustré contenant un carton pochette de 100 x 7 mm avec image à l’intérieur représentant une tête de singe., éditions MD.

Une boîte pour se tirer le portrait, 115 x 75 mm.

Un jeu identique nommé Le photographe moderne a été également édité par NK Atlas et un autre signé SC intitulé Photographie fin de siècle.

Amusette et humour.

• « Le clou du Diable », boîte contenant une pointe de 70mm tordue et une normale pour faire le tour de magie. Édité par JJF.

Un jeu à l’effet garanti, 35 mm x 90 mm.

Le jeu des sept familles, boîte de 42 cartes de 70 x 100 mm, chromolithographiées. Règle sur feuille volante. Édité par JJF.

Les sept familles, l’un des jeux plus populaires de l’enfance, boîte de 150 mm x 110 mm.

Estimation : les passe-temps se trouvent à des prix allant de 15 à 30 € l’unité, parfois jusqu’à 200 à 300 € pièce, par exemple pour le jeu « Arrêtez le voleur » ou le Casse-tête chinois (expertise F. Theimer en 2007). Un coffret de jeux réunis contenant un assortiment de jeux est évalué entre 300 et 650 € en fonction de l’état de conservation et du nombre de jeux (même expert).

Biblio

Petits jeux et casse-têtes de la belle époque par Yves Rifaux, L’art de l’enfance, 1990.

Claude Lamboley
Collectionneur de jouets anciens