Jouets sur la piste aux étoiles

Le cirque est un spectacle millénaire qui existait déjà au temps des pharaons. Sans remonter si loin dans le temps, le cirque traditionnel que nous connaissons est apparu au XVIIIe siècle et la mémoire a gardé le souvenir d’un certain Philip Astley, cavalier anglais, qui, dès 1768, produira un spectacle essentiellement composé de dressage et de numéros de voltige équestre. 1840 à 1850 sont les années d’or du cirque français, qui furent les témoins de l’ouverture de nombreux cirques parisiens dont le Cirque national des Champs-Elysées devenu le Cirque de l’Impératrice. L’évènement est tel qu’il est le sujet d’une lithographie avec effet nuit et jour pour le polyorama panoptique, un jouet d’optique.

C’est à cette époque qu’apparurent les numéros traditionnels : acrobatie, mime, jonglage, trapèze, équilibre, fil de fer, clowns… et dressages d’animaux, aujourd’hui très critiqués. L’engouement est tel que de nombreux artistes s’inspireront du cirque comme Toulouse Lautrec, Seurat ou Picasso pour les peintres, Baudelaire, Guillaume Apollinaire ou Cocteau en littérature. Il en sera de même pour les fabricants de jeux et de jouets.
L’univers du cirque
• Les clowns
Ils sont les préférés des enfants, à la fois comédiens, acrobates et bons musiciens. Le plus apprécié c’est l’Auguste avec son nez rouge, son costume trop grand pour lui et ses énormes chaussures qui contrastent avec l’élégante robe pailletée et le chapeau en cône du clown blanc.
— Teddy jongleur, de la marque Jouef date des années 50. Il est animé par un mécanisme d’horlogerie qui fait tourner un ballon sur un axe dressé en équilibre sur son nez. Il est vêtu d’une redingote rouge à revers noirs, d’une chemise jaune, d’un pantalon vert et de grandes chaussures bicolores. Le tout est en tôle lithographiée.

Jouef, contraction de “Le Jouet français”, est une marque créée en 1944 par Georges Huard à Champagnole dans le Jura, spécialiste de modèles réduits, de trains et de circuits routiers. Après avoir commercialisé toute sorte de jouets en tôle emboutie puis en plastique, ce constructeur s’est surtout orienté vers les trains en HO et les circuits routiers de conception économique et simple. La marque sera rachetée par CEJI propriétaire de Joustra en 1981.
— Bimbo le clown, également de la marque Joustra, a été fabriqué dans les années 50. C’est un jouet mécanique en métal qui se remonte avec une clef. Lorsque Bimbo prend la position buste en avant la voiture tourne en rond. Lorsqu’il prend la position buste en arrière la voiture s’appuie sur la mini-roue et tourbillonne.

Le géant Joustra
Rappelons à ce propos que Joustra, contraction de Jouet de Strasbourg, est une entreprise industrielle spécialisée dans le jouet, fondée à Strasbourg en 1934 par les frères Paul et André Kosmann, dont le symbole est celui de la Cathédrale de Strasbourg. L’entreprise connaît son véritable essor après la Seconde Guerre mondiale grâce à des produits innovants. Elle propose dans toute l’Europe une gamme allant de jouets simples et bon marché, tels que de petits animaux mécaniques, jusqu’à des modèles dotés de mécanismes complexes et ingénieux comme la fameuse auto-miracle. Au milieu des années 1960, Joustra est le premier fabricant de jouets mécaniques en Europe. En 1969, l’entreprise sera regroupée avec d’autres marques dans la Compagnie générale du jouet (CEJI). En 1999, la société est rachetée par le fabricant de modèles réduits et de peinture Heller. La production se fait depuis cette date en Normandie.
— L’âne récalcitrant représente un clown juché sur une charrette tirée par un âne. C’est un jouet en métal lithographié des années 60, inspiré du jouet allemand Lehmann dénommé Na-Nu. Il est probablement d’origine russe. La clé est solidaire du jouet. Ce dernier mesure 17cmx7cm. Le clown multicolore, ici de couleur jaune, existe aussi en bleu. L’âne est blanc tacheté de pastilles noires, la charrette est verte agrémentée de petits triangles jaunes.

• Les funambules
Les funambules qui travaillent à deux mètres du sol et se servent d’un balancier pour se maintenir en équilibre. Ces numéros suscitent angoisse et admiration.
— L’équilibriste ici présenté est de marque inconnue. Ce jouet date probablement des années 30. Il est habillé en clown et, tenant un parapluie qui lui sert de balancier avec un contre poids en plomb, il s’avance sur un fil, ici une tringle métallique prenant appui d’un côté sur un support peint en bleu et de l’autre sur un mécanisme rotatoire qui soulève et abaisse la tringle sur laquelle circule notre équilibriste en redingote rouge et large pantalon bleu.

Le mécanisme est caché derrière une façade décorée d’une jolie chromolithographie représentant l’entrée d’un cirque avec Monsieur Loyal en tenue traditionnelle et divers animaux : singe, perroquet, canard…

• Les numéros de dressage
Les éléphants sont les acteurs d’un numéro remarquable car c’est un animal spectaculaire par sa taille et sa force, c’est le plus grand animal de la ménagerie. Il est difficile à dresser, mais c’est un des plus doués : il peut tenir en équilibre sur un piédestal, marcher en s’appuyant sur le dos de son prédécesseur, jouer de la musique, faire du tricycle.
— Rumba l’éléphant est animé par un mécanisme d’horlogerie d’enroulement. Ses quatre pattes sont mobiles, il avance en se dandinant. Il date des années 30-50, d’origine allemande, fabriqué par B & S (Blomer & Shüler).

Blomer & Schuller, jouets mécaniques de Nüremberg
La maison Blomer & Shüler a été fondée en 1919 à Nüremberg par Richard Blomer et Leonhard Schüler. Au début, ils produisaient des pivots, puis uniquement des mécanismes de roulement pour d’autres fabricants de jouets. C’est à partir de 1930, que la production de jouets en tôle lithographiés en couleurs, tels que des manèges et des animaux mécaniques, a commencé. L’éléphant Jumbo, qui devint plus tard l’emblème de la marque, fut le premier jouet en tôle à être présenté au Salon du jouet de Leipzig en 1930. Après la Seconde Guerre mondiale les deux fils Schüler, Adolf et Herbert, reprendront l’entreprise. La production s’arrêtera en 1974.
• Les singes
Au siècle dernier les singes étaient dressés à imiter l’homme dans toutes ses attitudes, ses repas, ses promenades en calèche ou à bicyclette. Aujourd’hui on préfère les voir montrer leur agilité naturelle, sauter à la bascule, faire de la barre fixe ou grimper à la corde.
— Tom, le singe grimpeur fabriqué par Lehmann est un petit jouet commercialisé par la marque de 1895 à 1945 (réf. EPL N° 385). Ses membres sont articulés. La queue du singe coulisse sur le fil et maintient correctement le jouet. La culotte et le fez sont de couleur rouge vermillon, ce dernier complété d’un gland en fil de laine de couleur noire. Notre singe est vêtu d’une chemise à col cassé avec cravate noire. Le gilet est jaune uni et la veste redingote de couleur verte. Celle-ci a la particularité d’être recouverte d’une sorte de feutrine pulvérisée et rugueuse, spécifique des spécimens les plus anciens.

— Le singe culbuteur est articulé avec un mécanisme d’horlogerie, de couleur jaune, vêtu d’un gilet rayé rouge avec une cravate bleue. Il est d’origine allemande mais de marque inconnue. C’est manifestement un jouet de bazar.

— Le singe musicien agitait probablement des cymbales (manquantes). Il est de la marque Schuco. (Lire les notices Schuco, les évolutions de la marque et Les jouets en fer blanc.)

— Le singe aux cymbales est probablement de la marque Roullet-Decamps. En effet sa clé de remontoir, solidaire du jouet, est semblable à celle de l’automate présent dans le catalogue de 1914, que j’ai décrit dans la notice Roullet-Decamps. Il est en peau avec un bonnet en feutrine de couleur bleue. Il est assis et joue des cymbales en laiton. Il a des yeux de verre de couleur marron.

• Les chevaux
Les chevaux et les numéros équestres sont à l’origine du cirque. Ils peuvent danser, sauter, se cabrer, marcher debout, saluer le public. La voltige consiste en des acrobaties équestres, comme de tenir en équilibre sans selle. Pour évoquer ces numéros de cirque voici un zèbre mû par un mécanisme d’horlogerie qui le fait se cabrer et ruer.

Le cirque, décor de jeux et jouets
• Une dînette
Nous avons décrit dans notre notice Les dînettes un rare service de Gien en porcelaine opaque de 42 pièces datant, d’après le blason imprimé sous la couverte, de 1878. Il a un merveilleux décor représentant des scènes de cirque, décor différent d’une pièce à l’autre : dressage de cheval, numéro d’éléphant, clowns, funambules, etc. Il est constitué d’un lot de 12 assiettes plates et 12 creuses, d’une soupière, d’un légumier, d’un saladier, de plats divers, d’un moutardier et d’une salière, mais aussi d’un tête-à-tête sur son présentoir.

• Un jeu d’adresse
Le cirque peut être aussi un décor pour les jeux, tel ce jeu d’adresse et de patience. Il s’agit d’introduire une petite bille dans un des trous localisés aux quatre membres et à la tête.

• Un jeu de tir
Ce jeu de tir est décoré d’une tête de clown chromolithographiée. C’est un jeu d’adresse de la maison Saussine, datant de 1909 environ. Le jeu se nomme “Jeux comiques” avec une traduction anglaise Comical Toys et espagnole Juegos Comicos. L’image est contre-collée sur une planchette qui mesure 84cmx61cm. Le jeu consiste à lancer d’une distance d’un mètre environ des anneaux pour les enfiler dans le nez proéminent du clown.

• Les chromos et découpis
Le cirque est un thème souvent exploité dans les découpis qui sont soigneusement collés dans les beaux albums d’images (Voir Chromos et découpis). En voici une page caractéristique regroupant des découpis collés en 1907, selon l’indication qui figure à la dernière page de l’album avec le prénom de toutes les personnes, parents et enfants, qui ont participé à sa réalisation.

• Les jouets d’optique
N’oublions pas, comme nous l’avons vu au début de cette notice avec les transparents pour polyoramas panoptiques faisant référence au cirque, les nombreux appareils de pré-cinéma exploitant le thème du cirque. C’est le cas du phénakistiscope dont voici un disque montrant un funambule (Voir Le phénakistiscope).

Voici également trois bandes de papier pour zootrope dont les images s’animent par un effet stroboscopique. On y voit un numéro d’adresse avec manipulation d’un ballon, un singe dansant et jouant avec son chapeau et un numéro d’équilibriste marchant sur des bouteilles tout en portant un chat.

C’est le cas aussi de ces deux bandes utilisées pour un praxinoscope, qui est un autre appareil de pré-cinéma. Ces bandes montrent un numéro de dressage de chien et un numéro de trapèze.

• Les images d’Épinal
Pour conclure, voici une planche à découper proposée par les Imageries d’Épinal, planche n°1003 des Moyennes constructions. Elle représente le fronton d’un cirque avec les loges remplies de spectateurs et une piste tournante avec des écuyères et des écuyers faisant des exercices de voltige (Voir Les découpages).

Naturellement nous n’avons pas épuisé le sujet tant sont nombreux les jeux et les jouets s’inspirant du cirque, d’autant que nous n’avons cité que quelques exemples tirés de notre collection exposée dans une vitrine dans un décor de pop-up.

Claude Lamboley
Collectionneur de jouets anciens