Les Sulkies

Trot sympa

Sulky de fabrication italienne par Bordoli (Collec. et photo © G. Scarani).

Sulky ? Quel drôle de nom. Le dictionnaire nous apprend que le mot est d’origine nord-américaine et qu’il signifie “boudeur”. Adjectif qui fait allusion au siège unique et donc à la solitude du driver. Si l’on en juge par les représentations qu’en ont données les fabricants de jouets dans divers pays, cette solitude n’est pas forcément “morose”. Au contraire, l’enfant s’imaginant seul maître à bord pour diriger son demi-sang , se grisait de vitesse et de victoires. D’ailleurs, le sulky n’est-il pas plutôt utile et attrayant à considérer les premiers spécimens du genre qui pourraient bien remonter à l’invention de la roue allégée et ajourée, soit à quelque 2000 ans avant notre ère ?

Et quid des chars dont les courses procuraient les spectacles parmi les plus prisés de la Rome antique, tel le célèbre Circus Maximus et qui connurent un très net regain de popularité avec la vogue des peplum comme Ben Hur ! En 1925, l’entreprise turinoise Sigma a proposé une belle illustration de ces courses historiques avec cet attelage en tôle doté d’un mécanisme d’horlogerie précis assurant une coordination parfaite des jambes du cheval et une allure réaliste, peaufinée par la présence de l’Auriga (pilote).

Char romain et l’auriga (pilote), fabrication italienne par Sigma, L. 38 cm. (Collection et photo © G. Scarani).

Le trot attelé, retour aux origines

L’un des exploits du sulky, et non des moindres, est d’être parvenu jusqu’à nos jours. Depuis le char romain, le sulky fut utilisé comme instrument aratoire, avant de revenir aux courses hippiques avec les épreuves de trot attelé initiées par Ephrem Houel, directeur d’un haras national, en 1836 à Cherbourg (50). Ce sport spectacle a partout trouvé son public. En France, le prestigieux Prix d’Amérique couronne chaque année la spécialité à l’hippodrome de Vincennes.

L’Arabian, une fabrication allemande d’après-guerre en tôle et composition (Collection et photo © G. Scarani).

De quelques beaux jouets rares

Certains fabricants de jouets ont choisi de commercialiser le sulky. C’est le cas de l’Italien Bordoli, maison fondée en 1946 à Bologne, qui en créa un exemplaire mécanique en tôle et composition particulièrement réussi. La position précise du driver et l’allure du trotteur sont parfaitement restituées pour simuler le mouvement (voir la photo d’en-tête). L’Arabian Sulky, mécanique, fabrication allemande des années 1950, en tôle et composition, est une représentation soignée mais plus naïve de l’attelage. Les jambes du cheval sont rigides (Lire Courrier).

Signalons également quelques modèles en plastique, dont celui du Nord-Américain Wolverine Toy Cie en 1957 et le “Trotador” de l’Espagnol Rico en 1970.

L’Arabian de fabrication allemande dans la version avec crinière blanche, L. 16 cm.

Les sulkies dans le circuit

• Le Tiercé 24

Deux industriels du jouet européens se sont lancés dans la fabrication de courses de chevaux attelés. En France, le Circuit 24 arrive sur le marché en 1961, quatre ans après la présentation du premier Scalextric par le Britannique Fred Francis. Jusqu’en 1963, Circuit 24 sera le circuit routier électrique le plus vendu, supplantant même Scalextric qui peine à s’implanter en France. Pour diversifier son catalogue et pallier les difficultés financières, l’entreprise imagine un “Tiercé 24” en 1967. Mais le jeu sera peu vendu et ne sera produit que pendant quatre ans.

Tiercé 24, un jeu devenu difficile à trouver.

• Ippodromo Polistil

L’Italien Polistil se lance dans la course dans les années 1970 avec le circuit “Polistil Grand Prix” pour voitures en plastique au 1/32e. La marque milanaise proposera également un jeu de course de trot attelé électrique “Ippodromo” resté assez confidentiel.

Circuit électrique de trot attelé signé Polistil.

Quiralu dans la course

Signalons un beau modèle produit par l’un des pionniers des figurines militaires en aluminium Quiralu, lequel affectionna toujours les chevaux.

Sulky Quiralu, finitions avec robe du cheval blanche et casaque du driver bleue, L. 6 cm.

Dinky Toys joue gagnant

En 1969, Dinky Toys décide d’intégrer à son catalogue u modèle très original. Ce sera le Transport Saviem de chevaux de course (réf. 571) au 1/43e. Le fourgon choisi, le Saviem SB2, est moulé d’une seule pièce en zamak et peint dans la couleur bleue caractéristique du constructeur. Viennent se fixer sur les flancs deux panneaux en plastique imitant les lattes de bois utilisées sur ce genre de véhicule. Le toit surélevé est lui aussi en plastique blanc teinté dans la masse. L’arrière du fourgon s’ouvre en trois parties pour libérer la rampe et l’accès au box. L’effort de Bobigny a également porté sur le joli sulky n° 7 et son driver attelé à un trotteur blanc. Le tout est présenté sur un diorama en carton évoquant l’ambiance des champs de course.

Une reproduction haute fidélité de la série Super Dinky.

Le sulky au jardin

Les sulkies restent dans la mémoire collective des ex-enfants qui ont fréquenté les jardins et parcs publics des villes depuis l’aube du 20e siècle. C’est en effet à cette époque que les chevaux à pédales firent leur apparition sur les allées en terre battue des jardins, à l’instar des grands manèges.

Sulky en tôle peint, milieu des années 1950, L. 140 cm (photo © De Baecque & associés).
Les chevaux à pédales sur la Côte-d’Azur, milieu des années 1950.
Extrait du catalogue des jouets de La Samaritaine de 1955.

Estimation : Le sulky Bordoli est rare, comptez 300 € environ pour un modèle en bon état avec sa boîte. L’Arabian Sulky et les modèles en plastique se négocient entre 50 et 100 €. Le Sulky à pédales se trouve entre 500 et 800 € selon l’état.

Martine Hermann et Giuseppe Scarani