Les cinémas enfantins

1 – Les origines des projecteurs

Alors que les Frères Lumière doutaient de l’avenir de leur invention, les fabricants de jouets ont très vite compris l’attrait que pourrait avoir, pour les enfants, des jouets permettant d’animer les images, chacun connaissant la fascination que celles-ci exercent sur eux. En témoignent, dans les catalogues d’étrennes des Grands magasins, dès 1905, les publicités de cinématographes-lanternes magiques vendus aux alentours de 30 francs avec vues animées et vues fixes. Or, souvenons-nous que la première séance publique de cinématographe était toute récente, le 28 décembre 1895.

Les pionniers

Au cours d’une première période, qui va des années 1900 à 1920, les premiers projecteurs jouets de cinéma sont des adaptations des lanternes magiques.

• La lanterne Demaria-Lapierre

Cette lanterne magique-cinématographe date de 1908. Dès 1910, on présentait, dans les catalogues d’étrennes des Grands magasins de la ville de Saint Denis, une lanterne magique qualifiée de cinématographe avec six vues animées et douze vues fixes, dont le prix était de 13,75 francs. Dans le catalogue de 1911, on précise que ce cinématographe, appelé Star, fait, immédiatement et sans transformation, fonction de cinéma et de lanterne magique. Il est en tôle bleuie et vendu avec six vues animées en couleur et douze vues fixes.

Extrait du catalogue d’étrennes de 1910.

Nous possédons, dans notre collection, ce cinématographe. Il est en tôle de couleur verte avec un socle en bois. Il fonctionne avec une lampe à pétrole et est muni d’une manivelle qui permet de faire défiler le film, et d’un passe-vue pour plaque de 4 cm, d’une croix de Malte, d’un débiteur denté, d’une porte arrière, d’une cheminée et d’une tige porte-bobine. On ne voit aucune marque de fabrique, mais il est identique à une lanterne magique cinématographique de la collection des appareils de la Cinémathèque française (catalogue du musée N° 1296 (Inv. AP-95-1711). Selon ce catalogue, cet appareil aurait été fabriqué, à Lagny, vers 1908, par Jules Demaria, et René et Maurice Lapierre (Société anonyme des Établissements Demaria-Lapierre). Cet appareil est l’adaptation d’une lanterne magique des mêmes constructeurs, référencée n° 1224 dans le même catalogue.

La version jouet de la lanterne Demaria-Lapierre, 27,5 X 13,5 X 32 cm.
Facture des Ets Demaria-Lapierre de 1908.

Nous possédons trois films de 35 mm en nitrate de cellulose, donc inflammable, d’images dessinées en couleur, disposés en boucle, avec une perforation de type Edison, à quatre trous latéraux.

• Le Jacko-Ciné

Ce rare projecteur de cinéma à manivelle pour enfants de fabrication française par les Ets Cresciucci, une maison spécialisée dans les jouets en aluminium, a été produit dans les années 1920-1930. Il projette des films de 35 mm.

Jacko-Ciné Baby, 17 X 14 X 32 cm.

Modèle Baby

Notre exemplaire dénommé Baby, dans son emballage et avec son mode d’emploi d’origine, est très complet avec entraînement du film 35 mm par came battante (tige métallique horizontale montée sur deux tiges qui coulissent dans deux rampes grâce à une roue à excentrique), un débiteur denté, une manivelle, une cheminée, une lanterne avec une ampoule électrique 110V d’origine marquée Jacko incorporée, un fil avec prise électrique en bois, une base en bois, un objectif et un grand film en celluloïd. Il est muni d’une croix de Malte à l’air libre à quatre pales, d’un débiteur denté et d’un porte- bobine sur tige.

La notice d’instruction détaille la manière de placer le film et précise qu’une fois la mise au point faite, le film peut être projeté sur un écran placé à trois mètres. La manivelle doit être tournée à 250 tr/min.

Facture des Ets Cresciucci de 1935.
Jacko-Ciné à deux bobines.

Une seconde variante à double bobine

La facture ci-dessus montre un projecteur Jacko-Ciné avec, en plus de la bobine source, une bobine pour enrouler le film déjà projeté, un progrès par rapport à l’appareil que je possède et qui est, de ce fait, plus ancien. En effet, même les projecteurs professionnels n’avaient pas, à l’origine, la possibilité de récupérer les films une fois projetés et qui, de ce fait, soit étaient recueillis dans une corbeille, soit chutaient au sol, avec les risques d’incendie inhérents à leur matière.

En 1934, le Jacko-Ciné était vendu à la Samaritaine entre 66 et 174 F.

Estimation : Le cinématographe lanterne magique Lapierre est évalué entre 120 et 160 €. Le Jacko-Ciné semble assez rare, on le trouve aux alentours de 300 à 400 €.

Claude Lamboley