Les jeux de plein air

Pendant longtemps la mer a fait peur. Il faut attendre le XVIIIe siècle pour qu’en Grande-Bretagne, des bains de mer à visée thérapeutique soient prescrits. La France suivra cette mode au XIXe siècle grâce aux chemins de fer qui amèneront une société aisée sur la côte normande, puis toujours à la suite des Anglais, sur ce qui deviendra la Côte d’Azur. Cette mode va engendrer des jeux de plage qui vont enchanter les enfants.

Les bienfaits des bains de mer

Certes, on se baignait au tournant du XIXe siècle, mais peu de gens savait nager et ce n’était pas sans prendre des précautions. Les dames pour protéger leur pudeur portaient des maillots six pièces, se changeant à cette époque dans des cabines installées sur des charrettes tirées par des chevaux qui les amenaient directement dans l’eau où elles descendaient par des escaliers, soutenues par des sortes de garçons de bain qualifiés.

La sortie du bain à Berck-Plage vers 1905.

Jouer dans le sable

Il n’était pas question de s’exposer au soleil au bord de la plage. Tout le monde était en tenue de ville, y compris les enfants. Ceux-ci, habillés en petits marins, coiffés d’un béret à pompon rouge ou d’un chapeau à large bords cerclé d’un ruban flottant sur la nuque à la manière des anciens marins anglais, jouaient dans le sable à faire des pâtés, des châteaux, armés de seaux et de pelles.

CPA voyagée, datée du 11 août 1912.

Les enfants étaient fiers de se faire photographier en petit marin avec un seau et une pelle.

Les seaux de plage

Les seaux (photo ci-dessous) ne sont pas aussi anciens mais ils sont semblables à ceux qu’utilisaient les enfants du début du siècle dernier. Ce seau de plage date de la fin des années 50, il est encore en tôle et non en plastique, décoré d’images lithographiées de couleurs vives représentant des Indiens dansant autour d’un feu de camp. Il est complété par une pelle et un râteau en tôle à manche en bois. C’était des articles de bazar.

Seaux en tôle imprimée sur le catalogue Bing, 1930.

Les bateaux-jouets

Au bord de la plage, les enfants s’amusaient à faire naviguer des bateaux. À cause des vagues, ils s’arrangeaient, sur la côte normande, pour les faire naviguer dans des flaques d’eau isolées de l’océan par le reflux de la marée.

Toutes les grandes marques de jouets ont fabriqué des bateaux-jouets tous plus beaux les uns les autres et souvent onéreux : Rossignol, Radiguet et JEP en France, Planck, Märklin, Carette, Fleischmann et Bing en Allemagne, Basset-Lowke en Grande-Bretagne.

Trois bateaux parmi la pléthorique production Bing.

Il y avait aussi à Paris des commerçants spécialisés dans la fabrication et la vente de voiliers, de bateaux mécaniques ou à vapeur, tels Lambert au 13 rue Portefoin ou Lemaire au 44 rue de La Borde. C’étaient des jouets qui coûtaient fort cher, pour les enfants privilégiés de familles aisées.

Les voiliers

Voici un voilier qui date des années 50. Il est en bois, à quille longue lestée. Ce cotre mesure 50cm de long hors tout. Sa coque est peinte en rouge et noir avec un liseré jaune et le pont simulant des lattes est de couleur ocre jaune de même que les taquets et le roof. Il a un mât qui porte deux voiles en tissu de couleur rouge d’origine, une grande voile amurée à une bôme horizontale articulée à la base du mât et un foc amuré à un beaupré coulissant dans une glissière. La grand-voile porte le cachet imprimé du fabricant, la garantie de navigabilité, et l’indicatif VG40, spécifique de la série.

Voilier Vogu’Enmer, L. 50 cm.

Il s’agit de la marque Vogu’Enmer, dont le siège était dans la presqu’iîe de Guérande. L’entreprise a fabriqué plus d’une centaine de voiliers, de grande qualité d’exécution entre 1952 et 1970. C’était de ravissants bateaux de bois de 50 cm à 1 m de long, à la finition très soignée. Le créateur en était un certain Édouard Bourgueil qui acquiert le nom, l’outillage et le savoir-faire de Chamare et s’installe à Guérande en 1953. Il y crée une nouvelle marque Vogue qui deviendra Vogu’Enmer en 1955.

Marquage au tampon sur la grand-voile.

Les Voiliers de Guérande possèdent de réelles qualités de navigation, car chaque création est mise au point en Baie de Kercabélec à 10 km des ateliers. Le peuplier, bois léger, tendre et pourtant résistant, est la seule essence utilisée par le constructeur. Deux couches de vernis assurent une bonne glisse. L’accastillage est toujours de grande qualité. La grand-voile est toujours marquée des lettres VG suivi des nombres de 25 à 100 indiquant la longueur des coques et par extension les références. Également apposé sur le tissu : un certificat de navigabilité. La gamme comprend une vedette, des chalutiers, cotres, ketchs et sloops. En 1973, la société est reprise par le représentant de commerce Jean Marchandise qui lui donnera le nom de Voiliers de la Presqu’île. Le nouveau logo deviendra VP sur une gamme de coques très proche des VG. La cessation d’activité surviendra en 1978.

Les bateaux mécaniques

Les grandes marques de jouets ont surtout fabriqué des jouets mécaniques mus par un système d’horlogerie, la vapeur, un élastique ou l’électricité.
Voici deux bateaux mécaniques animés par un mécanisme d’horlogerie avec un ressort se remontant à l’aide d’une clé.
Le Transboat, fabriqué par Lang et Piegay, est répertorié et photographié dans le livre Les bateaux de Jack Remise (Voir Biblio). Il s’agit d’un navire avec une coque en tôle peinte émaillée en rouge et noir avec une bande supérieure blanche entourée d’une main courante en laiton. De chaque côté, à la proue, il y a un orifice avec un taquet d’amarrage et un autre pour l’ancre. Les superstructures et le pont sont peints en ocre, les deux cheminées sont jaunes avec un bandeau noir, le toit des cabines est blanc, le mât tenu par des haubans en fil de fer est jaune. À son sommet flotte une flamme tricolore. À la poupe une petite barre et une mèche verticale permettent d’orienter le safran de couleur rouge ; la barre est solidaire d’une hampe avec un fanion tricolore. Le safran est positionné derrière l’hélice. Un trou sur le toit des cabines permet l’introduction de la clé de remontage.
Il est identifié comme un remorqueur. Dans la boîte qui le contenait à la vente, il y avait d’origine, selon Jack Remise, des pièces détachées permettant de réaliser divers types de navire : un chalutier, un remorqueur ou un transatlantique, mécanique ou électrique avec la même coque.

Remorqueur Lang & Piegay, années 1920, L. 41 cm.

— Notre autre navire, plus petit, a été fabriqué par JEP, à l’avant devant les superstructures on note la mention Unis France, marque collective déposée le 29 janvier 1916 signifiant que le produit ou l’objet la portant est français, et à l’arrière l’acronyme JEP. Rappelons que cette marque a été créée en 1902 et qu’elle a été reprise par SIF (Société industrielle de ferblanterie). Il est en tôle. La coque est émaillée peinte en rouge avec une bande supérieure blanche, le pont, avec des lattes simulées, est jaune entouré d’une rambarde ajourée blanche. Les superstructures sont ocres à toit blanc, les deux cheminées jaunes à bandeau noir. Le mât est blanc avec une flamme tricolore. Ce navire est mû par un mécanisme d’horlogerie qui se remonte par une clé qui active un axe oblique situé au-dessus de l’hélice et du safran. À la différence du bateau précédent, ce dernier se mobilise à la main sans l’aide d’une barre. Il est référencé 912-2 et a été commercialisé entre 1920 et 1931.

Paquebot JEP, L. 25 cm.

Les matelots

Qui dit bateaux dit matelots…

Voici une série de cinq petits marins en bois peint, aux membres mobiles. Ils sont habillés avec une vareuse bleue à col marin, pantalon blanc et béret bleu. Ils étaient faits en grande série pour figurer sur de nombreuses embarcations et ils étaient vendus dans des emballages cartonnés pour les artisans fabricants. Ils sont répertoriés dans le livre de Raymond Humbert Les jouets populaire et le Livre d’or des jouets en bois de Paul Herman. Ils ont été produits par Alexander Greiner, actif à Steinbach en Thuringe entre 1855 et 1935.

Greiner, marin en bois, H. 4 cm.

Dans les parcs et les bassins

Mais tous les enfants n’allaient pas à la mer. Dans les parcs de Paris, aux Tuileries ou au Luxembourg, il existait des loueuses de voiliers, comme le montre cette photo d’Eugène Atger du Musée Carnavalet. Les petits Parisiens pouvaient alors faire naviguer ces bateaux dans les bassins de ces parcs.

Loueuse de bateaux à voile, photo E. Atger.

Biblio

Les Bateaux, par Jack et Frédéric Remise, Editions Pygmalion, 1981.

Vogu’enmer, Les voiliers Guérandais, par Philippe Guillotel et Yves Allain-Dupré, Editions LR Presse, 2010.

Claude Lamboley
Collectionneur de jouets anciens