3 – Pour les parties de campagne

L’été, c’est la période des beaux jours et avec eux le retour des vacances et des jeux de jardin. Au XIXe siècle, avec l’embourgeoisement de la société, beaucoup de Parisiens passaient l’été à la campagne dans leurs résidences qui n’étaient pas forcément loin de la ville, mais le plus souvent en banlieue qui n’était pas encore urbanisée et facilement accessible par le train. Ceux qui ne le pouvaient pas amenaient leurs enfants dans les parcs de la capitale, tout particulièrement aux Tuileries. Quant aux enfants de paysans, quand ils n’étaient pas employés aux travaux des champs, ils se divertissaient avec des jeux simples. Ces derniers n’ont pas laissé de trace si ce n’est dans la mémoire, tels les petits moulins en bois que l’enfant ou son père construisaient ou les jeux de ricochet sur l’eau.
Les jeux de jardins et de parcs sont très nombreux, beaucoup sont des jeux d’adresse. Certains étaient vendus dans les Grands magasins, d’autres par une dizaine de commerçants parisiens, dont Foin et Dumont rue Charlot (Voir Jeux de plein air). Nous en présentons ici une sélection non exhaustive.
Le jeu de boules
C’est un jeu très ancien qui a évolué au fil des siècles. D’abord en pierre, puis en bois d’orme ou de buis au XIXe siècle, ces boules ont été cloutées pour les rendre plus résistantes à partir de 1880. Ces clous sont en laiton, en cuivre ou galvanisés. Ils dessinent différents motifs afin que les joueurs les reconnaissent.

Au XXe siècle, ces boules ne sont plus en bois mais en acier avec gravés différents motifs. Chaque joueur possède une paire de boules qu’il lance pour être au plus près d’une grosse bille en bois appelée “cochonnet”. Celle-ci est à une distance variable du joueur, suivant les règles du jeu qui varient d’une région à une autre : la parisienne, la lyonnaise, la provençale avec prise d’élan et surtout la pétanque née en 1910 à La Ciotat qui se joue sans élan sur une distance courte. Quand la boule d’un adversaire gène celle d’un joueur, celui-ci la tire, c’est-à-dire la vise et cherche à la heurter suffisamment fortement pour l’envoyer plus loin pour que le jeu soit à son avantage. C’est un jeu surtout d’adultes que les enfants ont accaparé.

Le jeu de croquet
Voici un jeu d’origine anglaise, qui était en fait l’adaptation moderne d’un jeu français, le jeu de mail. Il se pratique avec six à huit joueurs. Le matériel est constitué de maillets, de boules de couleurs différentes, d’arceaux avec un arceau central qui peut être muni d’une cloche. Le jeu que nous présentons ici est marqué DF. Une chromolithographie représentant une partie de croquet est collée à l’intérieur de son couvercle.

Le parcours se fait sur du gazon ou sur du sable, à la plage à marée basse. L’essentiel est que le terrain soit plat et suffisamment étendu, d’environ de 15 à 20 mètres de long. Deux piquets signalent le début et la fin du parcours.

Chaque joueur muni d’un maillet tape sur la boule pour la faire franchir le plus d’arceaux possible. Il gagne des coups supplémentaires à chaque fois qu’il passe un arceau dans le bon ordre ou qu’il touche une autre boule. Arrivé au bout du terrain, il frappe sur le piquet et refait le chemin en sens inverse. C’est le premier arrivé qui gagne la partie. Les enfants aussi bien que les adultes jouaient au croquet et des jeux miniatures étaient également proposés dans des coffrets pour les petits enfants ou pour jouer à l’intérieur. En voici un exemple sous la forme d’une boîte marquée ELD, pour Édouard Desrues, actif en 1917, 39 rue de la Grange-aux-Belles à Paris.


Le jeu de volant
Quoique millénaire, le jeu de volant, pratiqué au XVIIIe siècle par les jeunes filles de bonnes familles, s’est renouvelé à la fin du XIXe siècle. Il oppose soit deux joueurs en simple, soit deux paires, en double et en mixte, placés éventuellement de part et d’autre d’un filet.

Les joueurs frappent un volant avec une raquette légère. Le volant est fait traditionnellement d’un bouchon en liège avec une jupe en plumes.

Le jeu de grâce
Le jeu des grâces, ou jeu de grâces, ou encore les grâces, est un jeu de plein air. Il était surtout pratiqué par les enfants, les jeunes filles et les dames de la bonne société. Apparu en France vers 1825, ce jeu a commencé à se démoder à la fin de la Belle Époque avant de tomber dans l’oubli dans les années 1940.

Le matériel se compose de deux paires de baguettes flexibles et légères longues de 50 à 60 cm et d’un ou deux petits cerceaux, généralement de 20 à 25 cm de diamètre. Les poignées des baguettes et les cerceaux sont traditionnellement recouverts d’une ou de deux bandes de tissu bicolores enroulées en spirale.
Pour jouer, les deux partenaires se positionnent à quelques mètres de distance l’un de l’autre, en tenant une baguette dans chaque main. Le premier lanceur les croise de manière à former presque un X, place le cerceau autour de leur intersection et les décroise ensuite d’un geste brusque tout en avançant les bras pour faire tournoyer le cerceau en l’air vers le deuxième joueur. Celui-ci le réceptionne, bloque le cerceau avec ses baguettes également croisées, puis le relance de la même manière vers son partenaire, et ainsi de suite.

Le tennis
Ce jeu, appelé au XIXe siècle Lawn-Tennis, est lui-aussi fort ancien puisqu’il dérive du jeu de paume, héritier du harpaste des Romains et lui-même de la phœninde des Grecs. Ce sont les Anglais qui, au XIXe siècle, ont adapté ce jeu pour qu’on puisse le pratiquer dans les parcs, les jardins ou sur les plages à marée basse. Je n’entrerai pas dans une description détaillée de ce jeu toujours d’actualité. Je préciserai seulement qu’il se joue à deux ou quatre joueurs, sur un terrain bien plan partagé en deux par un filet avec tracé au sol un carré de service. Le jeu consiste à envoyer par-dessus le filet une balle qui doit rebondir dans une surface bien délimitée ou être renvoyée de volée en cherchant à tromper l’adversaire. Pour cela on utilise une raquette en bois avec un cordage tendu.

C’est un jeu d’adultes que les enfants se sont approprié d’autant qu’ont été conçus des tennis de salon, ancêtres de notre ping-pong, qui étaient vendus dans des coffrets en bois et qui utilisaient une table comme terrain de jeu. La caisse en bois que nous présentons ici contient deux raquettes, un filet, cinq balles en celluloïd et, curieusement, une sorte d’épuisette pour ramasser les balles sans fatigue ! Un mode d’emploi précise qu’il se monte sur une table de 1 m 70 à 2 m de long sur 0,95 à 1 m de large, qu’on fixe des crampons au milieu de la longueur de telle sorte que le filet, étant adapté aux montants à hauteur de 15 à 18 cm, coupe la table dans toute sa largeur. Ces tennis de salon pouvaient être aussi utilisés en plein air.

Signalons la fabrique de jouets Chobert 23, rue Saint-Martin qui était spécialisé dans ces jeux raquettes, volants et jeux de grâce.

Le diabolo
C’est un jeu très ancien, originaire d’Extrême-Orient. Il se compose de deux troncs de cônes creux, percés d’un trou, en général en bois, parfois en métal, accolés l’un à l’autre par leur pointe, et de deux baguettes en bois reliées par une cordelette. Pour jouer le participant place la partie médiane du diabolo en équilibre sur la cordelette, tenant en main les deux bâtonnets, il les hausse et baisse rapidement imprimant un mouvement de rotation au diabolo qui commence à ronfler bruyamment. Il lance alors le diabolo très haut et le reçoit sur le cordonnet. C’est un jeu d’adresse dont la principale difficulté est d’amortir sa chute.

Notre diabolo est en cuir de la marque l’Incassable-Brte SGDG France. Il mesure 6 cm de long pour un diamètre de 6 cm. Les baguettes en bois font 50 cm de long et la cordelette 130 cm.

Le jeu de quilles
Connu déjà des Égyptiens, ce jeu s’est répandu avec de nombreuses transformations, le piquet d’origine ayant été remplacé, vers le XIVe siècle, par une pièce de bois cylindrique tenant debout. Il se joue en terrain plat, avec 9 quilles et 2 boules de bois.



Pour jouer, les quilles sont disposées par 3 sur 3 rangs, formant ainsi un carré. Les joueurs se placent à une dizaine de mètres de distance et lancent, chacun leur tour, la boule afin d’abattre, on dit déquiller, le plus de quilles possibles. C’est un jeu d’adultes divertissant aussi les enfants pour lesquels on a créé des jeux miniatures. Les quilles plus petites, en bois tourné, ont souvent un décor rubané coloré ou prennent la forme de clowns, de marins, de poussins. Bons marchés, elles étaient vendues en boîtes ou en paniers.


Pour gagner la partie, soit il faut renverser le plus de quilles possibles, soit il faut utiliser le moins de boules possibles pour renverser les quilles.

Le jeu de bilboquet
C’est un jeu qui est apparu au XVIe siècle. On garde en mémoire les mignons d’Henri III qui s’y adonnaient avec passion. Le bilboquet est constitué par un bâtonnet légèrement concave à une extrémité, pointu de l’autre auquel est attaché par une cordelette résistante une boule percée d’un trou.

L’ensemble est en général en buis. Le poids et la dimension sont variables, en moyenne 1,5 kg, mais il peut y en avoir qui pèsent jusqu’à 3 kgs et pour les enfants des jouets plus légers. Le jeu consiste à tenir le bâtonnet d’une seule main et lui imprimer de brefs mouvements saccadés de façon que la boule, qui pend librement, soit mue verticalement et vienne tomber d’aplomb sur l’extrémité pointue du bâtonnet. C’est un jeu d’adresse passé de mode aujourd’hui.

Le jeu de grenouille
Appelé aussi jeu de tonneau. C’est un coffre dont la partie supérieure présente plusieurs trous, en général 12, dont l’entrée est défendue par des arceaux ou des tourniquets. On y joue avec des sortes de palets en bronze. Le joueur se place à distance du coffre, en général 3 mètres et lance les palets pour qu’ils entrent par les trous et qu’ils tombent dans des casiers numérotés dont les chiffres correspondent aux points marqués. Une grenouille en bronze se trouve au centre de la série de trous, accroupie, la gueule largement ouverte pour qu’on puisse y glisser un galet.



C’est un jeu d’adresse autrefois très populaire en France dans les guinguettes de banlieue ou les auberges de campagne, devenu une distraction enfantine.

Biblio

Les Jeux de la jeunesse, par Frédéric Dillaye, Librairie Hachette, 1885.
Claude Lamboley
Collectionneur de jouets anciens