Happy Life

Happy Life” selon Kuramochi (à gauche) et Alps( à droite.)

La vie peut paraître heureuse avec un parasol et une chaise en rotin. C’est en tout cas ce qu’ont exprimé deux fabricants de jouets en fer blanc japonais dans les années 1950-60. Ils ont produit un petit jouet mécanique dont le moteur anime plusieurs éléments, parasol, chaise et volatile au sol.
Ils, ce sont Kuramochi et Alps (photo d’en-tête à gauche et à droite).

Kuramochi, vacances à la campagne

Si les Japonais aiment et respectent la mer (Le typhon Kamicaze aurait détruit une flotte d’invasion chinoise au XIIe siècle), ils goûtent peu les joies de la baignade et du bronzage. Le premier jouet dénommé “Happy Life” de Kuramochi en fin des années 1930 était donc plutôt tourné vers la campagne. Ce qui explique la présence d’une oie et d’une lithographie champêtre.

Illustrations champêtres lithographiées sur le socle du jouet Kuramochi.

Sans doute pour satisfaire une clientèle américaine, Kuramochi a ensuite modifié la lithographie pour y intégrer la plage mais tout en gardant l’oie qui devient incongrue.

L’illustration de la boîte est inspirée de la villégiature occidentale.
Style très 1930 de la lithographie et logo apposé à l’avant ou à l’arrière du jouet.
Le parasol également ventilateur, ingénieux !

De Kuramochi à Alps

Alps a repris le jouet de Kuramochi en lui apportant quelques modifications. Rappelons que Alps a été créée après-guerre par Mizuno, un ancien employé de Kuramochi.

Happy Life est définitivement balnéaire comme en témoigne la première étiquette de la boîte.

Le personnage reste en celluloïd tandis que la petite table a changé, de tabouret elle est devenue pliante.

Le siège a lui été réduit en hauteur et il a perdu sa belle lithographie de cannage (qui reviendra sur le dernier modèle produit).

Lithographie du modèle original à gauche.

Représenté comme un vrai parasol à baleines par Kuramochi, il devient une simple coupelle chez Alps. Chez les deux fabricants, le parasol a été décoré de couleurs diverses.

A droite, le parasol Alps perd ses pendeloques en celluloïd.

Happy Life revisité par Alps

Rapidement, Alps a modifié la fabrication du socle du jouet passant d’une construction aux angles vifs à des angles arrondis, peut-être pour éviter des blessures aux enfants (Voir photo en en-tête).
Concernant le fabricant Alps lui-même, des jouets Happy Life permettent de suivre l’évolution de sa raison sociale. A sa création en 1948, Alps s’intitule Nihon Alps Mizuno Seisakusho ou Japan Alps Toy Mizuno Co en anglais.

Boîte portant Boîte portant le logo du M dans un cercle à 3 points.

Sur le modèle suivant de Happy Life, le nom de son fondateur Mizuno disparaît pour Japan Alps Toy Co. Il est vraisemblable que le groupe Mizuno fondé en 1906 n’ai pas vu d’un bon œil leur nom utilisé pour une autre raison sociale même non concurrente.

Alps adopte le logo bien connu aux montagnes alpines.

La proximité de Tokyo avec les Alpes japonaises (ainsi nommées au XIXe siècle par l´ingénieur minier britannique William Gowland) explique sans doute le choix du nom par Mizuno basé à Tokyo.
La mention Made in Occpiped Japan date ce jouet d´avant 1952, année de la fin de l´occupation du pays par les USA.
La dernière mouture du jouet dans les années 1960 a présenté des illustrations lithographiques ou imprimées renouvelées.

Ultime variante de Happy Life vers 1960, les oiseaux remplacent les boules du parasol.
Lithographie sur le socle de la dernière mouture du jouet.

Un mécanisme sophistiqué

Sans être complexe, la mécanique utilisée par Kuramochi comme Alps, est tout de même sophistiquée.

Le moteur à ressort anime quatre mouvements : la rotation du parasol, celle du volatile, le balancement du siège et l’oscillation de la tête du personnage. De plus, un cornet fermé à l’extérieur par une membrane en caoutchouc actionne un soufflet qui produit un cri d’oiseau. Cette membrane noire manque souvent aux jouets que l’on peut chiner.

Un volatile à la plage

Les différentes variantes de l’oie.

La présence de ce qui semble être une oie, et ni un canard ni une mouette, est un choix curieux car dans la culture japonaise elle symbolise l’automne et la migration comme il est naturel pour des oies sauvages. L’automne ne rime pas vraiment avec plaisirs de la plage. Par contre, si l’on revient à la vision champêtre initiale de Kuramochi, l’oie domestique paraît plus logique. Près de 100 ans après, difficile de le savoir.

Estimation : Happy Life est difficile à trouver en France. On pourra le rencontrer principalement au Japon et aux États-Unis, mais son mécanisme et ses pièces en celluloïd en font un jouet fragile. Plus rare encore dans sa boîte d’origine, il se négocie neuf en boîte autour de 250 €.

Bernard Gloux
Collectionneur