Les taraïettes

Voici des jouets certainement peu connus, sauf en Provence. On les appelle des taraïettes, mot qui peut s’écrire aussi teraîettes ou terraillettes. J’en ai fait allusion dans la notice Les meubles de poupées, au chapitre des meubles de cuisine où figurait l’illustration qui est en tête de cet article et qui montre un vaisselier, que F. Mistral appelle un terrassié, où l’on tient la vaisselle de terre, qui se distingue de l’escudié où on place la vaisselle d’étain. Le nom dérive de tarraieto, en provençal. Frédéric Mistral en donne une définition : petite poterie, petite pièce de vaisselle pour amuser les enfants.

Une vaisselle pour tous les usages

Celles-ci s’inspirent des ustensiles familiaux en poterie vernissée faite d’argile cuite dont ils sont la miniature et dont l’usage était quotidien, tant dans la cuisine (grosses jarres à huile, à olives, terrines, daubières, vire-omelettes, gargoulettes ou tians), que dans le potager, qui était, rappelons-le, un petit fourneau en maçonnerie percé sur le dessus de trous carrés munis de grilles, sur lesquelles on plaçait les braises prélevées dans la cheminée, avec en dessous le cendrier dissimulé par des portes en fer ou par un simple rideau. Ces poteries utilitaires apparurent vers 1860. Au début du XXe siècle, elles étaient produites tant par les artisans potiers de Marseille ou d’Apt, que par les ateliers d’Aubagne, de Vallauris ou, plus récemment, de Saint-Quentin-la-Poterie dans le Gard, et étaient vendues dans des foires telle celle de la Saint-Jean de Marseille appelée la Foire aux taraîettes et aux aulx.
De nos jours, on les trouve dans les magasins de bibelots-souvenirs de la plupart des cités touristiques provençales, comme les Saintes-Maries-de-la-Mer, Arles, Les Baux-de-Provence, ou Fontaine-de-Vaucluse. Lors des fêtes votives qui animent la Provence tout au long de l’été, quelques marchands forains en proposent toujours sur leurs stands.

Pour jouer à la dînette

La taille des taraïettes se situe entre 3 et 8 centimètres. Cette taille permettait aux enfants de jouer à la dînette et de faire semblant de cuisiner comme maman. Tournées, moulées ou pressées avec l’argile provençale, ces poteries prenaient à la cuisson une belle couleur rouge et étaient rendues utilisables grâce à une glaçure vernissée, teintée traditionnellement de vert ou de jaune. Elles se présentent soit sans aucune décoration, soit vernissées grossièrement à l’économie, soit décorées à la main. Leurs formes, héritées du Moyen Âge, correspondent à une alimentation rustique et sont spécifiques aux fonctions de conservation, de cuisson ou de consommation. Aussi en trouve-t-on une grande variété. Nous en avons collectionné quelques exemplaires glanés au fil du temps.

La soupière
La louche
Les pichets
Les jarres
Le mortier et son pilon
Le chandelier
Le poêlon
La faisselle
Un plat
marqué de l’empreinte d’un potier de Dieulefit (26)
La jarre à huile
La gargoulette à sifflet

Les gargoulettes

Les gargoulettes méritent une mention spéciale. Elles peuvent en effet servir de sifflet quand leur bec verseur est percé d’un trou comme celle présentée en photo ci-dessus. Ces sifflets portent le nom de « rossignol ». Lorsque l’enfant souffle dans la cruche remplie d’eau, celle-ci peut émettre des trilles ou des roulades comme celles des rossignols. Ces sifflets d’eau avaient jadis, d’après Chantal Lombard (voir Biblio), la forme d’un oiseau d’où leur nom.

La gargoulette pour boire “à la régalade”.

Un patrimoine régional

Ces taraïettes sont certainement peu collectionnées si ce n’est par quelques Provençaux attachés à leur patrimoine ou quelques touristes voulant conserver des souvenirs d’une région attachante au même titre que les santons auxquels on peut les rattacher. Pourtant, elles sont les témoins de la vie provençale passée et d’un art populaire de notre pays en matière de jouets, comme l’ont été les poupards auxquels nous avons consacré un article. Outre le fait que les enfants apprenaient grâce à elles les gestes et le vocabulaire de la vie domestique provençale, cette vaisselle initiait les enfants au toucher et au respect de ce matériau fragile et étaient des outils pour l’éducation à la conservation des objets et à l’économie familiale.

Souvenirs provençaux
Les beaux jours arrivent bientôt et avec eux des vacances ensoleillées, peut-être en Provence, c’est ce qui a motivé cet article. Enfin, et c’est le collectionneur de jouets qui s’exprime : ils font très bien, dans l’évocation d’une cuisine enfantine présentée dans une vitrine d’exposition comme on le voit dans cette photo.

La petite cuisine provençale

Biblio

Les jouets d’argile, les tarraiettes provençales, par Chantal Lombard, P. Tacussel éditeur, 2015.

Claude Lamboley
Collectionneur de jouets anciens